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Éditorial

eContact! 11.2 — Figures canadiennes est le deuxième numéro portant sur les praticiens de l’électroacoustique au Canada. Ce numéro nous offre un aperçu de la grande diversité de ces pratiques, diversité qui n’a d’égal que l’étendue du pays lui-même.

Dans un article intitulé « Micheline Coulombe Saint-Marcoux et Marcelle Deschênes : pionnières dans le sentier de la création électroacoustique », Marie-Thérèse Lefebvre trace un portrait d’ensemble de la carrière de ces deux compositrices et de leurs œuvres. Marcelle Deschênes a joué un rôle de premier plan dans l’émergence du milieu québécois de l’électroacoustique sur la scène canadienne. Après avoir mis sur pied les studios de musique électroacoustique à l’Université de Montréal avec Louise Gariépy, elle a conçu et dirigé le programme d’électroacoustique pendant près de 20 ans, en plus d’être membre fondatrice d’importantes associations d’électroacoustique telles que la CEC et l’ACREQ. Outre sa contribution au soutien de la pratique électroacoustique au Canada — infrastructures et soutien universitaire —, elle a composé un nombre impressionnant d’œuvres d’une grande diversité de genres depuis le début des années 1970 : compositions acousmatiques, instrumentales, mixtes, installations, œuvres de vidéomusique et multimédias.

Tandis qu’elle poursuivait ses études au GRM à Paris dans les années 1960, Micheline Coulombe Saint-Marcoux a fondé le Groupe international de musique électroacoustique de Paris (GIMEP) avec quelques collègues. De retour à Montréal quelques années plus tard, elle a mis sur pied le projet Polyscoumie, avec trois percussionnistes, destiné à la réalisation de projets réunissant percussion, électroacoustique et danse. Elle a enseigné au Conservatoire de musique du Québec à Montréal et elle a participé activement à la production d’événements de musique électroacoustique (axés notamment sur les créations de jeunes compositeurs québécois), tout en poursuivant son travail de composition électroacoustique et pour ensembles instrumentaux.

Trois textes de Francis Dhomont nous offrent l’occasion de nous familiariser avec son approche de la composition, ses choix musicaux, ses méthodes de travail et ses écrits. Dans « Du poïétique au poétique », Dhomont décrit son passage de la musique instrumentale à l’électroacoustique. Dans « Abstraction et figuration dans ma musique », il explique les raisons à l’origine de ses choix artistiques et offre une analyse de certaines de ses méthodes compositionnelles, alors que le texte « Éléments pour une syntaxe » aborde la question du rôle primordial de l’écoute et de la perception dans la musique acousmatique. Dans une entrevue avec Rui Eduardo Paes, Dhomont discute de sa Frankenstein Symphony de 1997, dans laquelle il a utilisé comme matériaux sources des extraits d’œuvres de près d’une vingtaine de ses élèves et collègues, en plus des siens.

Norma Beecroft a commencé à travailler dans le tout premier studio canadien de musique électronique à l’Université de Toronto dès 1967. « Electronic Music in Toronto and Canada in the Analogue Era » décrit le processus laborieux de composition sur bande à l’époque, à l’aide d’oscillateurs, des instruments de Hugh Le Caine et de magnétophones à bobines. Des photos d’époque nous permettent d’apprécier à quel point les studios ont changé en un demi-siècle! Les lieux de production et de diffusion de l’électroacoustique ont également gagné en diversité au fil des ans. On peut prendre connaissance du travail de Charles Stankievech sur Internet, dans des galeries d’art et dans l’Arctique canadien. Dans « Cinema, Gramophone, Radio: A Quiet History », il commente son intérêt pour l’histoire des communications au Canada et la production de ses œuvres les plus récentes. Dans « A Canadian Electroacoustician in Finland », James Andean partage ses réflexions sur le fait d’être un « électroacousticien canadien en Finlande », un pays où l’on privilégie davantage les œuvres pour instruments et traitement en direct que la composition sur support fixe propre au genre acousmatique dont il se réclame.

En 2008, la Vancouver Adapted Music Society (VAMS) inaugurait son « Music studio for people with disabilities » (studio de musique pour personnes handicapées), conçu pour répondre aux besoins spécifiques des « personnes handicapées douées de capacités musicales ». sylvi macCormac a eu la chance d’explorer l’espace et les technologies adaptées de ce lieu et en parle dans une brève entrevue avec Kevin Rapanos.

Symposium électroacoustique de Toronto de 2008

Le deuxième Symposium électroacoustique de Toronto (SET) avait lieu du 7 au 9 août 2008, au centre-ville de Toronto et sur l’île de Toronto. Créé par David Ogborn et coproduit par la CEC, la faculté de musique de l’Université de Toronto et « New Adventures in Sound Art » (NAISA), ce symposium réunit des compositeurs et des artistes audio du Canada et des États-Unis. Les participants ont présenté des communications lors de séances thématiques, en plus de visiter des installations sonores et d’assister à des concerts présentés dans le cadre du festival Sound Travels de NAISA. Les thèmes discutés couvrent toute une gamme de questions, allant de l’éducation à la composition, en passant par les interfaces et les dispositifs mis au point pour la performance. Certains des textes présentés au Symposium de 2008 sont publiés dans ce numéro.

Dans « Aural Training for Electroacoustics », Eldad Tsabary présente une méthode pédagogique mise au point à l’Université Concordia qui comprend des cours spécialisés de « formation auditive pour l’électroacoustique ». Ces cours tiennent compte du caractère unique des modes d’apprentissage inhérents à cette forme d’art et représentent une alternative aux méthodes traditionnelles de formation auditive basées sur la musique instrumentale. Dans « Composition vs. Documentation », Tae Hong Park souligne le fait que le processus de composition de certains types d’œuvres électroacoustiques, en particulier les paysages sonores et les œuvres narratives, amène le compositeur à s’investir dans d’autres activités telles que la documentation, la performance musicale et l’archivage.

Martin Ritter présente un outil qu’il a lui-même mis au point. Conçu pour être utilisé en concert, cet outil peut « analyser, resynthétiser et distribuer en temps réel les composantes spectrales individuelles dans un environnement multicanal ». Dans « Real-time Spectral Analysis and Dispersion » (analyse et dispersion spectrale en temps réel), il décrit de manière détaillée le fonctionnement et la structure interne des différentes parties de l’interface d’utilisation. Le système mobile mis au point par Bob Pritchard et Sidney Fels, le Digital Ventriloquized Actor (acteur ventriloque numérique) est un autre outil conçu pour la performance en direct. Cette forme de « synthèse vocale commandée par détection de gestes sur système portable », que l’auteur présente dans « Mobile Gesture-Controlled Speech Synthesis for Performance », est réalisée à l’aide d’un gant Bluetooth Cyberglove® et d’un dispositif de détection : les mouvements du corps sont convertis en paroles à l’aide d’un logiciel de synthèse vocale personnalisé. « Sympathetic Vibration (Prolongation of Sound by Reflection) » (Vibration sympathique : prolongement du son par la réflexion) de Markus Jones décrit un projet de promenade sonore conçu pour aider les personnes aux prises avec un handicap visuel à se repérer sur le campus universitaire en utilisant des éléments du campus comme repères sonores.

Dans une entrevue avec Robert Normandeau, le directeur du symposium, David Ogborn, échange avec le conférencier principal au sujet de la scène montréalaise des années 1980, de la pratique de la diffusion et des changements d’attitudes et de technologies vers la fin du siècle. Ces questions s’appuient sur des commentaires portant sur la façon dont les propres œuvres de Normandeau reflètent ces changements.

Un reportage photo comprenant des photos du symposium complète ces articles. Et tendez l’oreille pour le Symposium électroacoustique de Toronto de 2009 qui aura lieu du 6 au 8 août.

Nouvelles chroniques et nouvelles galeries de SONUS

Deux nouvelles chroniques voient le jour. Dans un esprit semblable à la chronique « Community Reports » (Comptes rendus du milieu), « Focus on Institutions » (Regard sur les institutions) offre une introduction à l’histoire, aux activités et aux personnes impliquées dans diverses institutions : écoles, conservatoires, centres d’art, associations nationales et autres. Kevin Austin brise la glace en traçant un portrait de l’Université Concordia de Montréal, depuis la création des studios dans les années 1970 jusqu’à la mise en place d’un programme d’études électroacoustiques en 2000. « Entrées » offre l’occasion aux jeunes auteurs de partager leur réflexion au sujet d’un compositeur et de ses œuvres, ou d’une période de l’histoire de la pratique. Pour cette première livraison, Albert Bouchard remonte aux années 1980 dans son texte « Granular Synthesis and Barry Truax’s Riverrun », Todd Griffiths s’intéresse à la relation texte-son dans « Marcelle Deschênes’ Indigo », et « Global Movement, Local Detail » de Brett Bergmann porte sur la notion de sculpture et de façonnement du son dans la musique de Tim Hecker. Eldad Tsabary nous offre une autre version de ses « Rediscovered Treasures » (Trésors retrouvés) où il présente Project 1 — Version 3 de Gottfried Michael Koenig, une œuvre de musique assistée par ordinateur peu connue, datant de 1967.

Les « galeries d’œuvres suggérées » constituent un outil de consultation fort utile pour explorer SONUS.ca, la sonothèque en ligne de la CEC qui comprend plus de 2 400 œuvres. Les responsables de ces galeries offrent ainsi des commentaires techniques, philosophiques ou socioculturels en fonction de leurs intérêts et des motivations à l’origine de leur sélection d’œuvres. Ce numéro d’eContact! introduit deux nouvelles galeries consacrées à la musique de compositeurs canadiens. En 2008, Eldad Tsabary était le coordonnateur de la première version du projet 60x60 à se tenir hors des États-Unis, et qui a permis de présenter une sélection de 60 œuvres de compositeurs canadiens dans le cadre de plusieurs concerts au Canada et au Mexique. La galerie « 60x60 Canada » présente toutes les œuvres retenues pour la sélection canadienne. En mars 2009, la CEC inaugurait officiellement la mise en ligne du Projet d’archivage Concordia (PAC) par une conférence de presse et un concert d’œuvres canadiennes tirées de la collection. Ces œuvres, présentées dans la galerie « Launch Concert for CAP » (Concert inaugural du PAC) donnent un aperçu historique de la pratique de l’électroacoustique au Canada.

Le numéro se termine avec des comptes rendus des festivals FUTURA 2008 (France) et A Thing About Machines (Royaume-Uni).

Bonne lecture et bonne écoute!
jef chippewa, 8 juillet 2009.

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