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[Rapport]

Festival Elektra

Soirée vidéo-musique « Discreet »

Festival Elektra
Usine C (Montréal)
7 novembre 2002

Le 7 novembre 2002 avait lieu à l'Usine C, dans le cadre du festival Elektra, la soirée vidéo-musique Discreet. Le marriage du son et de l'image a donné lieu à une projection de six créations audio-visuelles d'une durée d'une vingtaine de minutes chacunes, réalisés cette année par cinq vidéastes Canadiens.

La soirée qui devait débuter à 21h a pris un peu de retard, le temps que la salle se remplisse et que les festivaliers se réchauffent un peu au son d'une musique électronique martelante très branchée. La salle cubique rassemblait en ses quatre murs une foule bigarrée de jeunes électrophiles à l'affût de nouveautés musicales et quelques grands noms de la scène électroacoustique dont Francis Dhomont et Christian Calon. Vers 21h30, la vaste salle affichait complet et plusieurs spectateurs sont démeurés debout ou acroupis, faute de place.

Les trames sonores servant de support auditif aux images des courts métrages provenaient de DVD subdivisés à travers quatorze sources stéréo et quelques dizaines de haut-parleurs. Notamment, seize subwoofer circonscrivaient la salle loin des spectateurs, trente-deux 18'' étaient accrochés près du plafond et quelques haut-parleurs étaient directement suspendus aux-dessus de nos têtes, ceux-ci plus près des oreilles des spectateurs. Le son n'était pas dispersé à travers un système multi-pistes et tous les effets dynamiques, dont le panning ou le changement de volume, avaient été préalablement réalisés en studio. La disposition des haut-parleurs ainsi que sa sélection a résulté en une acoustique impeccable. Les hautes (et très hautes) fréquences ainsi que les basses (et très basses) fréquences étaient respectivement d'une clarté et d'une précision rigoureuses, riches en contrastes. Cependant, la salle a tôt fait d'en être saturée et la musique de devenir trop forte. Comme si la salle était trop petite pour les puissantes vibrations et que ces dernières réverbéraient trop rapidement et amplifiaient le vertige déjà créé par la musique.

Pour leur part, les images étaient projetées à partir de lecteurs DVD sur trois grands écrans qui se complétaient ou non, au besoin. La dynamique visuelle engendrée par la parfaite synchronisation de trois lecteurs digitals donnait l'impression d'un second montage à l'intérieur du montage pré-existant.

De manière générale, les trames sonores et les courts métrages se juxtaposaient de manière plutôt abstraites et demeuraient facilement dissociables. Cette autonomie du son par rapport à l'image réside dans le fait que les trames sonores ne contenaient aucun dialogue et très peu de sons diégétiques. Les bandes sonores étaient en fait majoritairement musicales. Quelques-unes renfermaient des bruits ambiants, mais toutes se servaient de ces sons pour créer des rythmes répétitifs qui devenaient ensuite purement électroniques. La relation images-sons relevait manifestement du vidéo-clip et chaque pièce abordait des thèmes différents, traités sous des angles différents. Aucune pièce n'était purement électroacoustique, faisant davantage preuve d'une ouverture au monde de la musique électronique, le techno étant le genre le plus souvent entendu lors de la soirée.

Le premier court métrage,The Secret Life of Objects réalisé par Zack Settel et Rojo s'est distingué des autres par un scénario dramatique de fiction et une bande sonore qui n'avait d'électroacoustique que la superposition d'accords graves et lents de piano ainsi que de chuchotements. L'intensification progressive de la trame sonore a aussi contribué à accentuer le dénouement presque théâtral.

Changement de registre cependant, à partir du second vidéo, et ce jusqu'à la fin; traitement expérimental de l'image et conception sonore très saccadée, rythmique et musicale. ZXOL de David Fafard, débute avec des sons de criquets et des basses fréquences d'une telle l'intensité qu'elles créaient une réelle sensation physique à travers le corps. Cette atmosphère sinistre a tôt fait de se transformer en un rythme électronique effréné et répétitif, si bien que les images ont pris le dessus en terme d'originalité. Notamment, une courbe sinusoïdale traduisant l'amplitude des sons de la bande sonore. Subeat de Thien Vu Dang a plu au public avec ses images filmées dans un métro chinois, accompagnées des sons du train qui se transforment ensuite en un beat étourdissant dont les boucles et les répétitions sont synchronisées avec les images.

Khrystell Burlin a présenté Me and I, un vidéo expérimental à tendance lyrique en trois parties. Le collage visuel d'images de Montréal était servi avec une musique techno dissonante qui s'est ensuite transformé en une douce mélodie aux accents asiatiques par l'ajout d'un quatuor à corde.

La projection s'est poursuivie après l'entracte avec deux vidéo de Jean Piché, professeur de composition électroacoustique à l'Université de Montréal. Le premier, eXpress est une odysée de couleurs, de formes et de textures dessinées à même la pellicule. S'y associe une trame sonore composée de percussions, clavier et guitare grinçante. Le rythme de la musique accélérant à la vitesse à laquelle se succédaient les images a atteint un volume et une fréquence à la limite du supportable, créant vertige et étourdissements dans la salle. Finalement, le dernier vidéo rassemblait des images de l'Inde sur lesquelles étaient superposées une narration, un violon au timbre oriental et des clochettes intermitentes. Le dénouement haut en couleurs des images a cependant brisé le charme par la présence prolongée d'un bruit de très haute fréquence produit par un oscillateur.

Les projecteurs se sont éteints au bout de deux heures, laissant les spectateurs les oreilles bourdonnantes. Les puristes de l'électroacoustique n'ont peut-être pas été déçus, mais ils n'ont certes pas retrouvé la simplicité et l'obscurité apaisante d'une projection sonore habituelle. Le fait de subordonner des sons à des images a plutôt empêché un principe bien simple de la délectation sonore : fermer les yeux et se laisser absorber par les vibrations de l'air.

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