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Au delà du sexe et de la technologie : les tendances du genre

Introduction

J’ai entrepris l’écriture de cet article d’opinion en prenant pour point d’ancrage la question du genre, laquelle guidera ma réflexion sur les attitudes remarquées et les conduites adoptées par l’ensemble des congressistes participant à la Semaine estivale des ateliers In and Out of the Sound Studio Conference dont la démarche artistique et/ou épistémologique entretient un lien étroit avec les technologies du son. J’en ai décidé ainsi pour deux raisons.

N’étant pas très familière avec la notion de genre, j’ai saisi l’opportunité que m’offrait cette conférence pour me mettre au parfum des tendances actuelles sur les choses du genre. Dans cette optique, je comptais assister aux séances de discussion animées par Karen Pegly et par Andra McCartney et intitulées Féminités, Masculinités, Androgynéités et Transformations afin de m’instruire sur le sujet, mais malheureusement, des contraintes de temps m’ont empêchée d’y participer. Un peu frustrée devant la persistance des points nébuleux sur la notion du genre en rapport avec les technologies du son et résolue à me sortir de l’ignorance, j’ai décidé de me mouiller en ébauchant un point de vue très personnel sur le sujet. La deuxième raison tient au fait que si, lors de mes études en composition électroacoustique au début des années 1990, il y avait peu de femmes inscrites au programme, à l’heure actuelle, il me semble que la situation demeure inchangée. En effet, en consultant le site Web de la CEC (Communauté électroacoustique canadienne), sous l’onglet Concours des jeunes compositeurs, on est à même de constater que sur un total de 30 œuvres prisées au cours des 6 dernières années à raison de 5 lauréats par concours, un seul nom de fille figure sur la liste des gagnants, celui de Delphine Measroch!

À la lumière de ces deux exemples tirés de situations concrètes, on pourrait présumer qu’il s’agit là d’un manque d’intérêt éminent de la gent féminine envers les technologies du son ou bien que le domaine de la création électroacoustique est une chasse gardée par la gent masculine? À d’autres le soin de fouiller la question sous cet angle. Pour ma part, je me suis appropriée la notion du genre sans égard à l’innéité sexuelle non plus qu’à la multiplicité de ses dérives actuelles. J’ai préféré examiner la question du genre dans une perspective holistique, l’ensemble des êtres vivant sur terre constituant « le genre humain ». Sur quelle base alors traiter des rapports existant entre le genre humain et les technologies?

Les tendances du genre

D’entrée de jeu, je trace les grandes lignes d’un fait qui m’a marquée et dont le souvenir remonte à la surface à chaque fois que j’assiste à un concert de musique électroacoustique. En décembre 1997, l’ACREQ (Association pour la création et la recherche en électroacoustique du Québec) présentait : Elektronische und konkrete music / Huge QUADraphonic Sound, une rétrospective des grandes œuvres électroniques de Karlheinz Stockhausen, à l’Usine C. Dans la salle, le public prenait place sur des chaises pliantes placées à l’intérieur d’un carré dont la surface était circonscrite par quatre lignes droites imaginaires reliant les quatre haut-parleurs disposés selon les principes de la diffusion quadriphonique. Durant le concert, chacun des haut-parleurs était subtilement éclairé par un projecteur placé au-dessus de lui, en plongée. Le faisceau lumineux couvrait le haut-parleur auquel il était assigné et créait ainsi un effet de réverbère bleu-nuit en quatre points de la salle. À la fin du concert, le public s’est naturellement mis à applaudir et c’est alors qu’on a, en guise de salutation je présume, fermé et rouvert les projecteurs éclairant les haut-parleurs. À mon grand désarroi, j’ai eu la mauvaise impression d’applaudir des haut-parleurs. Depuis cette prise de conscience, je n’applaudis plus lorsque la personne à laquelle s’adresse mon appréciation n’est pas présente dans la salle. Je ne suis pas du genre à applaudir des haut-parleurs, pas plus qu’un écran de cinéma ou un téléviseur.

Ce fait anecdotique qui sommeillait en moi est remonté à la surface lors de la projection d’œuvres sonores présentées dans le cadre des conférences du In and Out of the Sound Studio. Suite à l’écoute des œuvres, l’auditoire applaudissait selon l’usage et l’artiste accueillait avec gratitude cette marque d’appréciation. Or, à ma grande surprise, lorsque Andra McCartney a présenté par intérim le travail de Susan Frykberg et qu’elle a fait jouer sa pièce intitulée « Astonishing Sense of Being Taken Over by Something Far Greater Than Me », aucune des personnes présentes dans la salle n’a applaudi. Ce comportement de groupe n’était-il que le fruit du hasard? J’en doute.

Mes travaux de recherche afférents à l’Odyssée des médias-son m’ont permis de constater qu’il se profile deux tendances, à l’intérieur même du genre humain, qui se démarquent par la visée idéologique à laquelle on adhère plutôt que par la catégorie sexuelle à laquelle on appartient. Dans cette optique, je dénote deux visées idéologiques fort distinctes, l’une à tendance pro-humaine et l’autre à tendance pro-androïdienne. Afin de donner la tonalité des préoccupations caractérisant chacune de ces tendances, j’ai choisi deux extraits écrits laissant transparaître l’objectif ultime de chacun des camps. La première citation nous vient d’Albert S. Bregman et rejoint les adeptes de la tendance pro-androïdienne :

Neuhoff’s groundbreaking book represents the work of innovative researchers who are trying to achieve a scientific understanding of the perceptual and cognitive processes that use sound to achieve an understanding of the environment. We have a long way to go before we have enough knowledge to equip a robot with a human’s auditory skills, but the work reported in this volume represents an important beginning.

La deuxième citation nous vient de André Pichot et reflète la pensée des adeptes de la tendance pro-humaine : « Les sciences cognitives voient en la connaissance un processus langagier et logique qu’elles cherchent à simuler. Elles oublient alors son enracinement dans la vie et l’omniprésence du corps. » (Pichot, pp.127–144). Or j’ai pu observer, lors de la semaine du In and Out of the Sound Studio, que l’ensemble des congressistes présents s’inscrivait dans la lignée pro-humaine. À quel camp vous identifiez-vous?

Pro-androïdien vs pro-humain

On le sait, les technologies du son sont en constante évolution et il y a toujours un petit quelque-chose de valorisant, un brin de fierté à posséder le dernier modèle de tel appareil ou la dernière version de tel logiciel qui me permet de… et de… et de… Mais attention, si les mêmes bidules technologiques sont utilisés par l’un et l’autre des camps, les mots utilisés pour discourir sur le sujet diffèrent en raison du parti pris idéologique. À titre d’exemple, dans son article intitulé Paul Dolden : le plaisir du son, (Marceau, p.26) Guy Marceau rapporte certains propos du compositeur qui dénotent un certain penchant pour les valeurs à tendance pro-androïdienne :

Il (Dolden) excelle dans la surimpression de styles musicaux disparates, « pas pour en faire de bêtes pastiches, précise-t-il, mais bien pour exploiter les grandes beautés de ces musiques dans une orchestration imposante que la machine me permet de réaliser et qu’aucun orchestre ne pourrait jouer. Dans mes œuvres, je peux superposer jusqu’à 400 couches musicales pour créer mes sonorités… ».

Êtes-vous impressionné par la teneur de ces propos? Si oui, c’est probablement que vous êtes à tendance pro-androïdienne. En effet, les pro-androïdiens ont tendance à rabaisser le genre humain au profit des technologies. Dans l’extrait rapporté plus haut, le compositeur confronte les capacités technologiques de sa machine aux habiletés d’exécution d’un orchestre vivant et couronne le tout avec une petite pointe d’ironie bébête envers ses congénères. Hé bien j’ai assisté à la monumentale Symphonie du millénaire avec ses 333 instrumentistes et ses 2000 carillonneurs, le jeu de 15 clochers, un grand orgue, un carillon de 56 cloches et deux camions de pompiers pour un total d’environ 2500 couches musicales et voilà ce que je considère être une orchestration imposante. Lorsque l’on sait que n’importe quel zigoto possédant le matériel technologique nécessaire peut « superposer jusqu’à 400 couches musicales »,il n’y a vraiment pas de quoi se péter les bretelles, c’est là mon opinion.

Or ce genre de propos n’avait pas sa place lors des conférences du In and Out of the Sound Studio auxquelles j’ai assisté. De fait, j’ai retenu les conférences-démonstrations présentées par Mara Helmuth, Wendelin Bartley et Chantal Dumas qui, chacune à leur manière, ont discuté des rapports qu’elles entretiennent avec les technologies du son. Il en ressort que si leurs personnalités et leurs méthodologies de terrain diffèrent, elles s’inscrivent toutes trois dans une perspective pro-humaine dont le point focal est la connaissance de l’être et de son enracinement dans la vie.

Mara Helmuth

Dans sa présentation intitulée « Improvisation with Qin and Computer », Mara Helmuth raconte avoir trouvé le mode d’expression musicale convenant à sa personnalité. Se présentant comme une personne de nature plutôt introvertie et solitaire, elle a pris soin de développer une approche musicale qui lui permet de se réaliser et de s’épanouir dans la pratique de la performance. Pour ce faire, Mara Helmuth a élaboré un dispositif technologique comprenant un instrument acoustique ancien, le Qin, un système informatique pourvu des logiciels Max/MSP et RTcmix et a développé une application de la synthèse granulaire qu’elle nomme le StichGran. Après avoir mis au point son dispositif technologique, Mara est allée passer une année en Chine afin d’explorer davantage les possibilités expressives du Qin car au delà de l’instrument dit-elle, il y a une culture à découvrir. Mara Helmuth a ainsi développé un mode d’improvisation structuré, une forme de composition en temps réel qui, tout en contribuant au développement du savoir dans le domaine technologique, convient à sa personnalité et laisse libre cours à l’expression de ses sentiments. Lors de sa performance musicale, il était fort agréable d’entendre une mixture sonore offrant un juste équilibre entre le son émanant directement de son jeu sur l’instrument acoustique et ce même son, cette fois médiatisé par un traitement algorithmique puis projeté par les haut-parleurs. Le cocktail musical de Mara Helmuth est constitué d’un heureux mélange harmonisant expression humaine, instrument ancien et technologie récente.

Wendelin Bartley

Motivée par le désir d’atteindre la quintessence de l’être, Wendelin Bartley remonte aux temps anciens et porte des réflexions philosophiques sur l’être et l’espace du son. Son élément de prédilection est la respiration externe, celle qui porte la voix et dont l’activité va et vient toute la vie durant. La pensée de Wendelin rejoint celle du philosophe Aristoxène de Tarente (355–? av. J.-C.), considéré comme l’un des plus grands théoriciens de l’Antiquité et premier à réfuter les thèses pythagoriciennes voulant que la musique, dont les règles harmoniques sont régies par la théorie des nombres et les intervalles consonants, serve à prendre la mesure de l’Univers, au même titre que les mathématiques, l’arithmétique et la géométrie. Aristoxène se fait le porte-parole d’une approche intuitive stipulant qu’il n’y a pas de musique en dehors de ce que nous en fait percevoir la sensation, que c’est du mouvement naturel que se meut la voix et que chaque intervalle musical est l’expression d’une nécessité naturelle.

Après avoir présenté l’essentiel de sa démarche artistique sous l’intitulé « Ancient Female Wisdom and Electrovocal Composition », Wende Bartley a invité l’auditoire à former un cercle afin de vivre l’expérience d’une séance de respirations. Toutes les personnes présentes dans la salle se sont prêtées à ces exercices mettant à contribution l’appareil phonatoire, le corps en tant que résonateur, l’écoute interne et externe, et la transmission de l’énergie acoustique par contact physique. Je pense ici à l’exercice au cours duquel l’on émettait des sons en se tenant appuyés dos-à-dos. Le point de départ des exercices consistait à concentrer notre écoute sur le son vibrant à l’intérieur de notre corps puis à le mixer au son évoluant dans l’espace externe et émergeant des autres personnes. On notera ici que les espaces interne et externe du son ne sont pas déterminés par rapport aux composantes d’un système de son mais par rapport au point d’écoute d’un être humain : l’espace, intra et extra corporel, du son.

À quoi riment les préoccupations d’ordre technologique dans le travail de Wendelin Bartley?

La prochaine étape de sa démarche artistique consisterait à aller se recueillir dans l’Hypogée de l’île de Malte puis de laisser libre cours à des jeux vocaux s’harmonisant avec la résonance du lieu. Le défi technologique est de produire un document audio témoignant le plus fidèlement possible de cette performance. Pour ce faire, elle dit devoir prendre des arrangements préalables en vue de faire évacuer l’endroit afin d’éliminer les bruits manifestement anépoques lors de la session d’enregistrement. Toutefois, l’élimination des bruits indésirables ne garantit en rien la qualité d’un enregistrement. L’enregistrement de sons subtils pratiqué in situ, en dehors des studios de son et des chambres sourdes, nécessite la complicité d’une personne compétente et jouissant d’une oreille exercée et en santé qui saura tirer avantage de l’appareillage technologique amené sur place. À cet effet, le choix dans la disposition des microphones jouera un rôle déterminant quant à la qualité de l’enregistrement multipiste qui envisage non seulement la captation de sons intra et extra corporels mais qui ambitionne également la restitution 3D du lieu originel. En guise de travail préparatoire, la théorie de l’holophonie qui procède de la tétraédrophonie mériterait de retenir l’attention de l’artiste, si ce n’est déjà fait.

C’est donc sous l’égide des réflexions philosophiques sur l’être et l’espace du son que le processus de création de la compositrice Wendelin Bartley chemine. Investir les chambres de l’Hypogée de l’île de Malte afin de retrouver la pure sonorité des temps anciens; enregistrer l’événement à l’aide d’un dispositif technologique multipiste portable opéré par une personne qualifiée et jouissant d’une acuité auditive éprouvée; produire une série de médias-son authentiques témoignant de scènes auditives 3D à validité écologique.

Chantal Dumas

Fervente praticienne de la création radiophonique, Chantal Dumas insuffle de la vivacité à l’art des sons fixés. Pour ce faire, elle procède à l’enregistrement de scènes auditives en adoptant l’attitude du « promeneur écoutant » (Chion). Le preneur de son se métamorphose alors en acousmêtre dont les faits et gestes jouent un rôle de premier plan dans le déroulement du scénario projeté et se mixent à l’ambiophonie du moment. Dans les productions de Chantal Dumas, l’être humain est là toujours présent, il participe, parfois en retrait parfois au premier plan. Par contre, « la position de l’auteur est toujours revendiquée », affirme-t-elle! Lors du découpage et du montage techniques pratiqués en studio, son plaisir d’auteur est alimenté par les infinies variations scénaristiques que lui inspire l’écoute des diverses scènes auditives faisant partie de son corpus. De la rencontre des sons, des bruits, des mots, de la musique et des ambiances choisis naissent des images scéniques qui orientent le sens du récit selon une logique propre à l’auteure et cette manière de faire peut être réinventée autant de fois qu’il y aura de productions. Par ailleurs, les extraits sonores présentés lors de la conférence du In and Out of the Sound Studio témoignent de l’adresse de Chantal à mettre en valeur le caractère intimiste du médium radiophonique, ce à quoi elle se dit très attachée. « Parler à quelqu’un… recevoir le monde extérieur dans son espace privé. » L’année 2006 nous réserve une œuvre « poésie-son » en collaboration avec l’écrivaine Genevière Letarte.

Et voilà que revient trotter dans ma tête cette autre phrase de Dolden : « ma musique parle plus au corps et au cœur qu’à la tête ». Cette phrase m’interpelle car je ne crois pas au dualisme du corps et de l’esprit ni à la sensation et à la perception sans la cognition. Pour moi, l’être humain est une intelligence corporelle dont l’épicentre est le cerveau. J’adopte ainsi un point de vue holistique, par opposition au réductionniste, et, par conséquent, la question de savoir si les œuvres sonores parlent au « corps », au « cœur » ou à la « tête » et dans quelle proportion, ne se pose pas.

Aparté

Que penser de cet extrait sortant de la bouche de Marceau :

[…] dès 1984, ses œuvres (Dolden) sont primées en Italie, France, États-Unis, République Tchèque, Suède, Angleterre… Un pied de nez à certains autres compositeurs canadiens, puisqu’il n’a pas le profil académique universitaire requis, mais bien seulement un baccalauréat en histoire générale… (Marceau, 2005).

J’aurais bien aimé que Marceau fasse preuve d’un peu plus de transparence ici à savoir quels sont les compositeurs canadiens qu’il a dans sa mire, d’une part et, d’autre part, quel est le profil académique universitaire requis pour être compositeur? Mais comme Marceau n’a qu’un bac en Communication, option rédaction, et qu’il écrit des articles, peut-être est-il tout simplement dépassé par le caractère éclectique de cette communauté. Que l’on pense seulement à Sonus, une sonothèque en ligne créée et gérée par la CEC et qui voit à l’acquisition et à la diffusion libres et gratuites de toutes œuvres sonores composées par n’importe qui et avec n’importe quels moyens technologiques. « Non! Mais acceptons que le jardin soit plus grand que vous ne le croyez! » mon cher Marceau.

À ce chapitre, la semaine d’activités de la conférence In and Out of the Sound Studio réunissait une quarantaine de compositrices et compositeurs de diverses souches culturelles et orientations sexuelles, dont l’âge se situe entre la vingtaine et la septantième, des autodidactes et des universitaires, des connues et des inconnues de la scène internationale. Elle est l’initiative d’Andra McCartney, professeure au Département de communication de l’Université Concordia, et tire sa principale source de financement du Conseil de recherche en sciences sociales du Canada! Beau pédigrée n’est-ce pas?

Hildegard Westerkamp

Témoignages sur les motivations et les expériences personnelles, réflexions critiques sur la place accordée aux technologies du son dans le travail de composition et échanges de points de vue sur la désormais omniprésence des médias-son dans la vie citoyenne. À ce titre, « Again and again, Ways of listening » d’Hildegard Westerkamp comprenait quelques exercices d’écoute intra et extra corporels en prélude à une discussion sur la tendance à inonder les endroits publics de musiques spécialement composées et orchestrées pour subtilement influencer nos comportements, comme c’est le cas de la Musak dont la montée internationale a débuté dans la période suivant la Deuxième Guerre mondiale. Et, pour nous assujettir à la consommation, j’ajouterai ce à quoi s’intéresse de près le Dr. Kellaris avec ses recherches sur « Identifying Properties of Tunes That Get Stuck in Your Head ». Il s’agit là d’exemples où les compositeurs se servent des technologies du son dans le but d’exercer un certain contrôle sur les comportements humains. Hildegard fait preuve d’une réflexion approfondie sur le sujet et donne matière à réflexion en exposant son point de vue personnel à l’effet que si l’on clame haut et fort que le monde entier est désormais à notre portée grâce aux avancées technologiques, à creuser le sujet, nombre de situations exemplaires viennent appuyer l’hypothèse que la technologie et son double nous éloignent les uns des autres plutôt qu’ils ne nous rassemblent. Il y a là matière à réflexion!

Kathy Kennedy

Mon coup de cœur va à l’originale « Ballade Orale Sound » de Kathy Kennedy, une intervention publique à caractère ludique, enjoignant l’auditoire à parcourir une section de l’université en groupe tout en produisant des sons. Il est hallucinant de constater combien on tend à s’harmoniser naturellement avec les personnes autour de nous lors de la ballade puis à entrer en interaction sonore avec les cellules plus éloignées lorsque le groupe s’arrête. Une autre intervention dans laquelle l’écoute intra et extra corporelle occupe une place importante. La ballade orale de Kathy Kennedy s’est révélée être un exercice novateur style chorale à la portée de tous, amusant et formateur pour des gens pas trop coincés. Acquisition de connaissance naturelle in situ, la technologie n’étant utilisée que pour des fins de documentation sur l’événement.

Mot de la fin

Très éloignée de l’esprit de compétition que ces conférences du In and Out of the Sound Studio — et très éloigné de l’impressionnante quincaillerie électronique habituellement mise en œuvre lors des concerts électroacoustiques que le système de son employé lors du Concert électroacoustique du In and Out. La salle de l’ONF (Office National du Film) ne possédant pas le système de spatialisation multi haut-parleurs habituellement employé pour ce genre de concerts et le comité organisateur du colloque n’ayant pas jugé essentiel l’engagement de telles dépenses, les œuvres au programme ont fait l’objet d’une diffusion stéréophonique standard. Et puisque la qualité du système de son de l’ONF est excellente et que la diffusion stéréophonique convenait à l’ensemble des œuvres jouées, il s’agissait là d’un choix judicieux et tout à fait en accord avec la tendance pro-humaine.

Une question demeure : le genre humain serait-il en train de se faire doubler?

Ressources

Bélis, Annie. Aristoxène de Tarente et Aristote : Le Traité d’harmonique, Paris : Klincksieck, 1986

_____. Les musiciens de l’Antiquité, Paris : Hachette Littératures, 1999.

Chion, Michel. Le Promeneur écoutant : essai d'acoulogie. Paris : Plume/SACEM, 1993.

Neuhoff, John G.. Ecological Psychoacoustics. San Diego : Elsevier Academic Press, 2004.

Pichot, André. ‘Intelligence artificielle et connaissance naturelle : le sujet et le corps’ dans Le cerveau et l’esprit. Paris : Éditions du CNRS, 1992. Recueil d’études d’André Bourguignon édité sous la direction d’Hervé Barreau.

Marceau, Guy. ‘Paul Dolden : le plaisir du son’ » dans Paroles et Musique, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Lorraine Desmarais : le jazz aux mille couleurs, vol. 12, n°2, été 2005.

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