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Vertex, une approche à l’installation-performance

La documentation vidéo de l’installation-performance montre le « sens d’espace lorsque le visiteur explore l’installation », avec une narration et bande sonore composée d’enregistrements de public et de lieux pris pendant les trois jours de sa présentation. Vertex fut présentée en directe à l’Incinérateur des Carrières du 24 au 26 septembre 2004.

Studio

Parcours

1.1 Vertex

Video play
Andrew Watson et Nicolas Basque — Vertex (5:59)

La création de Vertex (Andrew Watson et Nicolas Basque) s’est effectuée suite à des collaborations dans les domaines de la danse et de la musique électronique improvisée. Nos démarches artistiques similaires, nos idées communes sur l’art sonore et notre désir de son émancipation constituent les principaux motifs de notre association.

Par le biais des différentes technologies qui s’offrent à nous (ordinateur, échantillonneurs, multi-effets, etc.) nous développons notre propre langage sonore destiné à l’improvisation. Nous utilisons des sons concrets, c’est-à-dire, des sons issus des milieux urbains, industriels et naturels ainsi que des sons humains (bruits de foule, voix, chant, pas). La captation d’interpètes (musicien, danseur, conteur, acteur, etc.) ou de témoins sous forme d’interviews s’ajoute à notre pallette sonore. La valeur humaine qui se dégage de ces sources correspond à la vision de notre duo. Nos performances étant généralement axées sur le lieu où elles sont présentées, nous effectuons préalablement à celles-ci plusieurs enregistrements in situ. Les sonorités recueillies et par la suite transformées s’intègrent comme symboles dans un environnement sonore abstrait en lien direct avec le lieu de présentation.

Les notions de performances et de déstabilisations du public nous intéressent particulièrement, par exemple, l’interaction avec des danseurs ou acteurs, la construction d’une trame sonore pour un conte, la configuration de systèmes d’haut-parleurs ou d’installations sonores, etc. Les installations-performances de l’ensemble constituent des laboratoires où nous pouvons explorer des concepts ou aspects techniques liés à la performance de l’art sonore en direct.

 À cet effet, ayant obtenu en 2003 une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec afin d’explorer l’improvisation et la diffusion en directe sur différentes configurations d’haut-parleurs, nos projets les plus récents s’orientent sur l’utilisation de configurations asymétriques d’haut-parleurs.

1.2 Projet de bourse : configuration symétrique et asymétrique vers l’installation-performance

Ce projet effectué au cours de l’automne 2003 s’est divisé en trois volets : élaboration d’une banque de sons, improvisation sur une configuration octophonique traditionnelle d’haut-parleurs et enfin sur différentes configurations asymétriques.

La banque de sons utilisée comprend des sonorités enregistrées à travers la ville de Montréal et dans notre studio. Suite à l’évaluation des qualités intrinsèques de ces trouvailles sonores ainsi que de leurs connotations symboliques et métaphoriques nous avons configuré nos équipements électroniques et débuté des improvisations en image stéréo. Ces improvisations nous ont permis de découvrir et consolider une esthétique et une interactivité propre à nous.

L’étape suivante du travail s’orienta sur une recherche profonde des qualités acoustiques de chacun des haut-parleurs dans une configuration octophonique (symétrique) et des perceptions psychoacoustiques. Les paires d’haut-parleurs prenaient la configuration suivante : solo, avant, côté et arrière. Ce système offre une certaine flexibilité ainsi qu’une bonne représentation des mouvements spatiaux pour un auditeur centralisé. Nous avons par la suite élaboré une variété de configurations symétriques (moins traditionnelles) et entamé une recherche sur la perception d’un auditeur en déplacement dans l’espace. La notion de mouvement précis prit soudainement moins d’importance puisque l’expérience de spatialisation de chaque auditeur est différente. L’haut-parleur agit désormais comme source ponctuelle, c’est-à-dire qu’il propose une perception accrue de la localisation des sources et de leur séparation.

La troisième partie du travail s’élabora sur la variation des configurations d’haut-parleurs asymétriques conçues pour des auditeurs mobiles ou fixes. Pendant quatre semaines, nous avons évalué dix configurations définissant chacune un espace sonore et nécessitant leurs propres techniques de diffusion. Ce temps de travail nous permis de découvrir une myriade de possibilités et d’explorer les qualités des espaces créés. Il s’est avéré possible de diviser l’espace (et par le fait même la composition musicale) et d’accroître les perceptions d’emplacement des sources sonores en changeant la hauteur des haut-parleurs, leur orientation et leur situation dans le lieu rehaussant par le fait même l’expérience personnelle de chaque auditeur. En effet, cette déconstruction de l’espace défait le concept de point centralisé optimal (typique aux configurations octophoniques traditionnelles)  et nous permet une grande flexibilité au niveau des dynamiques et une variété de déplacements sonores. Cette disposition amène aussi une distinction plus précise des divers sons.

Cet intérêt grandissant pour l’intégration d’une configuration asymétrique d’haut-parleur propre à l’espace de performance et conçue pour un public en mouvement précisa la direction de Vertex vers la conception d’installations-performances.

Types de présentations multi haut-parleurs

2.1 Diffusion d’une source stéréo

Plusieurs concerts sur système multi haut-parleurs utilisent des sources stéréo (CD ou DAT). Le signal stéréo est envoyé au différentes paires d’haut-parleurs, conservant l’image gauche/droite de la composition. Il est commun de voir les potentiomètres des consoles de mixage combinés en paires stéréos afin de ne pas modifier les mouvements latéraux de la pièce. Ceci permet au directeur du son de spatialiser la composition et de créer des mouvements et effets additionels. Les configurations d’haut-parleurs pour ce type de performance varient mais demeurent habituellement symétriques et destinées à un public assis. De ce type de configuration résulte un point d’écoute centralisé optimal (« sweet spot ») situé au centre des auditeurs ou à la console de mixage. L’emplacement des haut-parleurs peut prendre une variété de formes : double-diamant, boîte à soulier et octophonique. Des haut-parleurs additionels sont parfois utilisés afin de modifier certains effets de perception. Par exemple, les solos que l’on place à l’avant pour créer un effet de proximité, les haut-parleurs distants qui donne un effet de réverberation naturelle, des haut-parleurs placés sous ou au-dessus du public et les haut-parleurs de sous-graves. Un directeur de son expérimenté donne une nouvelle vie à une composition selon ses stratégies et choix esthétiques de spatialisation. Des connaissances en psychoacoustique permet de briser l’image stéréo et de créer l’illusion d’une œuvre multiphonique.

2.2 Présentation multiphonique

Plusieurs pièces multiphoniques sont pré-enregistrées pour un dispositif précis permettant au compositeur un contrôle sur la diffusion finale. Plusieurs de ces pièces (sur ADAT, DA88 ou ordinateur) sont créées pour des configurations octophoniques.

Mixer en direct à partir d’une source multiphonique constitue une autre méthode de travail sur multi haut-parleurs. Ce type de performance permet une flexibilité accrue et demande une attitude compositionelle différente.  Les sonorités peuvent être préparées pour la performance afin d’être mixées et diffusées en une composition unique.

2.3 Installation sonore

Le terme installation sonore réfère à l’exposition continue et sans conclusion pré-définie d’une œuvre d’art sonore. Il s’agit de l’équivalent musical de la sculpture, une expérience auditive in situ ou créée pour un espace exploitant généralement la présentation d’art visuel (http://www.mti.dmu.ac.uk/EARS/). L’installation est indépendante et son matériel sonore ne possède pas de début ni fin déterminé mais peut parfois être joué en boucle. L’œuvre ne focalise pas sur la performance mais comprend à l’occasion des éléments interactifs.

Une installation sonore peut prendre différentes formes. Elle peut être présentée en combinaison avec des arts visuels (une vidéo, une sculpture ou de la photographie) et peut utiliser ou non (dans le cas d’une structure résonnante ou d’objets sonores) un nombre indéfini d’haut-parleurs. La configuration des haut-parleurs peut tenir compte des propriétés acoustiques de l’espace ou être pré-définie sous forme de plan pour l’exposition. Les intallations sonores sont présentées dans divers endroits, de la galerie d’art à des lieux extérieurs.

2.4 Installation-performance

L’installation-performance combine les qualités d’une installation fixe avec une présence « live » (ce qui pourrait inclure la participation de danseurs, acteurs ou musiciens au sein du cadre de présentation). Contrairement aux situations de performances traditionnelles, les installations-performances sont généralement de plus longue durée et conçues pour un public en mouvement, libre de ses allées et venues.

En ce qui à trait à l’aspect de présentations multi haut-parleurs, l’installation-performance est un médium riche et flexible pour explorer les configurations d’haut-parleurs asymétriques, les particularités d’un espace et du matériel sonore. L’installation-performance met en place une interaction entre improvisation, espace et public.

Notre approche

3.1 Types de performance

Notre flexibilité d’adaptation nous permet de prendre avantage des différentes situations de performance selon l’équipement disponible, le temps d’installation alloué, l’espace de présentation, le personnel et le concept choisi.

Au niveau des haut-parleurs, une configuration mono ou stéréo s’avèrerait la méthode de présentation la plus simple mais fort différente d’une expérience multi haut-parleurs. En effet, il nous apparaît plus limité d’utiliser deux sources d’émission sonore au niveau de l’utilisation de l’espace et conséquemment au niveau de la densité sonore et de la distinction des fréquences. Par contre, une présentation stéréo signifie que nous n’avons pas à se soucier de la diffusion et que nous pouvons par le fait même nous attarder davantage au développement des sons.

L’ajout de nouvelles sources ponctuelles permet aux sons d’interagir davantage avec leur environnement. L’expérience des compositeurs/interprètes et du public devient unique, marquée par une interaction entre les haut-parleurs et un rehaussement des caractéristiques spécifiques du site. Ce contrôle de l’espace sonore permet non seulement de faire ressortir les qualités acoustiques du lieu et de la diffusion sonore mais nourrit l’élaboration des concepts de création. Par exemple, un message ou une signification précise peuvent être assignés à un haut-parleur choisi.

Nos présentations multi haut-parleurs prennent en général la forme d’une installation-performance. La localisation des haut-parleurs, les sources sonores et les concepts sont en lien direct avec le lieu et le contexte de présentation.

Dans un contexte de présentation sans l’aspect performance, il est possible de présenter une composition pré-enregistrée sur multi-pistes. Aussi, la diffusion d’une composition stéréo ou simplement une performance multiphonique sans les caractéristiques d’une installation constituent d’autres formes de présentations que nous exploitons. Nous utilisons généralement cette dernière lors de collaboration avec des instrumentistes ou des artistes issus de diveres sphères artistiques (danse, théâtre, etc.).

À cet effet, nos collaborations multidisciplinaires ont été en majeures parties avec des danseurs, des vidéastes et des conteurs. Il s’avèrerait intéressant d’interagir  dans un contexte incorporant du théâtre, des arts visuels, des éclairages ou tout autre domaine artistique stimulant. Travailler avec d’autres disciplines permet de confronter et renouveller nos modes d’expression et nos approches.   Il est intéressant de noter que de profondes similarités existent, par exemple, entre le mouvement d’un danseur dans l’espace et le mouvement de nos gestuelles sonores diffusées aux haut-parleurs.

3.2 Installations-performances in situ

Les caractéristiques d’une installation in situ sont déterminées par différents aspects impliquant plusieurs décisions créatives. La relation des sons à leur localisation, leur niveau d’interactivité, la configuration des haut-parleurs, le concept et l’approche constituent tous des facteurs importants. Nous tenons compte des particularités d’un espace et le transformons selon ses propritiétés intrinsèques afin d’utiliser et rehausser ses qualités acoustiques.

Ce type d’installation, conjuguée à un élément de performance, permet de créer une relation avec l’espace et le public. Nos installations-perfromances sont contruites pour un public en mouvement et comportent plusieurs éléments de contrôle en temps réel afin de créer une experience unique et personnalisée. Par exemple, un microphone avec lequel le public peut interagir ou une spatialisation choisie pour un membre de l’audience précis.

Développer des compositions en lien direct avec un environnement amène de puissants effets sur la perception de l’espace. L’inclusion d’une installation sur un site crée une experience corps/esprit absorbante. La présence physique de l’espace et toutes ses caractéristiques sensorielles, tant sonores, visuelles qu’odorantes (réverbération naturelle, odeur, température, etc.), deviennent parties intégrantes de la performance et peuvent procurer à l’espace une nouvelle vie.

3.3 Notes finales

Nous prenons plaisir à s’adpater à un espace et à créer un environnement sonore unique pour celui-ci. Les concepts de présentation in situ et d’architectures asymétriques associés à des éléments de performance nous permet de transformer créativement un espace en utilisant ses qualités et fonctions.

Parmi nos performances sur multi haut-parleurs, nos collaborations avec le groupe  de danse Instant nous ont permis d’interagir avec des danseuses au niveau des gestuelles sonores et des concepts. Lors de Bruits du noir (un concert tenu dans une obscurité complète) nous avons échantillonné le public quelques minutes avant le spectacle et conçu une composition à partir de leurs sons  (dans le noir!). Dans l’atrium de la librairie de l’université Concordia, nous avons créé une installation interactive qui permettait aux passant d’interagir (selon leur gré ou non) à l’aide de microphones configurés pour capter et transformer les sons en temps réels. Durant l’événement Désert, à l’incinérateur abandonné des Carrières nous avons rempli l’espace vide de la chute des déchets de sonorités enregistrées sur les lieux et de témoignages et faits en lien avec l’incinérateur dans le but d’y réintégrer son histoire et l’activité passée.

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