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Systèmes, écologie, son

Une cartographie conceptuelle

eContact! 21.2 — Dématérialisation de l’objet sonore : Approches conceptuelles des pratiques artistiques centrées sur le son (juillet 2023) http://econtact.ca/21_2/schorpp_cartographieconceptuelle_fr.html

Je pourrais donc dire que la vie n’est pas en moi ou dans le monde, mais qu’elle est entre le monde et moi. (Ferrari and Hansen, 2017, 45)

Ce texte constitue le premier chapitre de mon mémoire de maîtrise intitulé « Environnements sonores interactifs : une approche écosystémique », lequel s’articule autour du concept d’écosystèmes sonores comme stratégie conceptuelle, technique et esthétique au sein d’une perspective écologique de la création sonore. Plus particulièrement, il traite de l’installation sonore interactive et/ou générative, dans la mesure où ces pratiques peuvent questionner les processus d’écologisation des technologies et nos façons de cohabiter dans des environnements sonores complexes.

Dans son article « Sound Is the Interface », le compositeur et chercheur Agostino Di Scipio pose le son comme un médiateur social, technologique et naturel (Di Scipio, 2003). Le compositeur et chercheur Brandon Labelle, quant à lui, démontre que le son possède une dynamique relationnelle intrinsèque (Labelle, 2015). À partir de ces deux constats, il apparaît évident que ce médium invisible et omniprésent peut nous aider à comprendre et entretenir de nouveaux rapports avec nos milieux de vie. Écouter, c’est appréhender le monde comme un enchevêtrement de réseaux acoustiques témoins de la complexité des tissus vivants, sociaux et politiques; écouter, c’est se rendre sensible aux perpétuelles interférences et négociations d’informations. Comme le rappelle Hildegard Westerkamp, en écoutant, on ne peut plus ignorer ce qu’il se passe. 1[1. À la question « How do you address environmental issues in sound art? How do you approach that? » posée par Claude Schryer pour le podcast Conscient du 8 avril 2021, Hildegard répond : « I’ve done it through the long practice of listening. With this kind of listening, you can’t avoid what’s going on. » (Schryer, 2021)]

L’approche écosystémique de la création sonore est une pratique relativement nouvelle : intrinsèquement liée à des contextes culturel, technologique et environnemental marqués par la crise écologique, elle témoigne de l’accessibilité croissante et l’omniprésence des technologies et des médias dans notre environnement, tout en accentuant le besoin des arts à définir leur rôle face à la crise écologique.

Ici on fait office de mise en place du cadre conceptuel, à la façon d’une revue de littérature, présentant les différentes tendances qui définissent l’approche écosystémique dans un contexte de création sonore.

S’enracinant dans les années 1960 et continuant de s’étendre dans les pratiques artistiques contemporaines, l’approche écosystémique combine une pensée systémique et une pensée écologique. Dans le but de questionner notre rapport à l’écoute et à l’environnement dans un contexte de crise écologique, une telle approche vise à créer des liens esthétiques, techniques et conceptuels entre l’écologie et les pratiques d’arts sonores.

Après une courte introduction historique de la théorie des systèmes, nous étudierons les manières dont celle-ci s’est étendue dans les pratiques artistiques des années 1960, et plus particulièrement dans les pratiques des arts sonores. Nous nous intéresserons ensuite au contexte historique de l’émergence de la pensée écologique et de la philosophie de la nature, et analyserons comment cette dernière a inspiré le propos de plusieurs artistes sonores. Enfin, les relations entre les pensées systémique et écologique seront synthétisées, et la pertinence d’une approche écosystémique de la création sonore contemporaine sera dégagée.

Théorie des systèmes et arts : repères

Au cours des années 1930, le biologiste autrichien Ludwig von Bertalanffy propose le concept de « système ouvert », qu’on peut définir comme un système en interaction constante avec son environnement. Par la suite, ce concept évolue petit à petit vers une théorie générale des systèmes, avec son ouvrage General System Theory : Foundations, developments, applications, paru en 1968. Selon Bertalanffy, un système est « un complexe de composants en interaction » (Bertalanffy, 1968, 69), ces composants pouvant prendre la forme de matière, d’énergie ou d’information. Cette théorie remet en question de nombreux aspects fondateurs de la science moderne cartésienne, en mettant l’accent sur une approche holistique plutôt que réductionniste. 2[2. L’holisme est une doctrine qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités. Elle s’oppose au réductionnisme qui constitue un mode d’explication d’une réalité complexe en analysant celle-ci comme réductible à ses parties constituantes. René Descartes a développé l’une des premières conceptions réductionnistes de la vie appliquée aux plantes et aux animaux dans son livre Le traité de l’homme publié en 1648.]

De cette façon, l’attention n’est plus portée sur les qualités des parties individuelles, mais sur l’organisation de l’ensemble et des processus dynamiques d’interaction entre les parties constituantes. Cette théorie se répercute dans de nombreuses disciplines, des mathématiques à la neuropsychiatrie, en passant par la sociologie, la philosophie et la création artistique.

La première vague systémique initiée par les travaux de Bertalanffy va mener à la naissance de la cybernétique, discipline qui se formalise lors des conférences Macy, organisées à New York entre 1946 et 1953. À l’initiative du neurologue Warren McCulloh, cette série de conférences expérimentales réunit un groupe interdisciplinaire de spécialistes (mathématiciens, logiciens, ingénieurs, anthropologues, psychologues, etc.) dont l’objectif est de donner une vision unifiée des domaines émergents de l’automatique, de l’électronique et de la théorie de l’information. Le cadre équivoque de cet ensemble de recherches s’articule toutefois autour du concept clé d’autorégulation par boucles de rétroaction, concept applicable autant aux êtres vivants qu’aux machines. Par ailleurs, ces conférences constituaient un des premiers exercices académiques transdisciplinaires. La formulation des résultats est confiée à Robert Wiener, qui publie en 1948 l’ouvrage fondateur Cybernetics or Control and Communication in the Animal and the Machine. Il y définit la cybernétique comme l’étude des mécanismes d’information des systèmes complexes aussi bien chez l’animal que dans la machine (Wiener, 2014). La publication de cet ouvrage assure une large diffusion publique et le terme « cybernétique » atteint une notoriété populaire. L’incarnation artistique de la première vague systémique s’exprime alors particulièrement à travers l’art robotique. Ainsi, certains artistes ne tardent pas à se réapproprier les technologies électroniques et informatiques détournées de leurs fonctions d’origine. Par exemple, Nicolas Schoffer conçoit en 1956 CYSP, la première sculpture dite cybernétique de l’histoire de l’art. Dotée d’un « cerveau électronique » relié à des capteurs, la sculpture réagit aux variations sonores et lumineuses : les plaques polychromes qui la composent pivotent en réaction aux stimulations externes, donnant des allures vivantes à l’œuvre. 3[3. La sculpture a été remontée lors de l’exposition « Artistes et robots » en 2018 au Grand Palais, Paris. Consulté le 15 mars 2021.]

La deuxième vague systémique est parrainée par le physicien austro-américain Heinz von Foerster à partir des années 1970. Celle-ci ajoute l’inclusion de l’observant comme une partie inextricable du système. Von Foerster laisse de côté l’intérêt pour la machine et s’intéresse plutôt aux « mécanismes à causalité circulaire et rétroactions dans les systèmes biologiques et sociaux » (Foerster, 2015, 2). Les technologies informatiques, qui suscitaient tant de rêves futuristes dans les années 1950, sont mises en arrière-plan, au profit d’un intérêt théorique et conceptuel pour les comportements sociaux et biologiques.

La théorie générale des systèmes, du biologiste Ludwig von Bertalanffy, ouvre donc la voie à une approche holistique et transdisciplinaire de l’étude des systèmes, autant mécaniques que biologiques s’étendant même aux systèmes sociopolitiques et aux liens qu’entretiennent ces différents systèmes entre eux. L’attention — jusqu’ici portée sur les objets coupés de leur environnement — est déplacée vers les processus dynamiques d’interaction entre ces objets et leur environnement. Par conséquent, ces réflexions renouvellent une compréhension de l’environnement non plus comme un amas d’objets indépendants, mais comme un réseau complexe d’interdépendances qui évoluent dans l’espace et le temps. Selon le domaine d’étude, l’environnement est pensé comme étant le corps, la machine, la planète, une organisation politique ou économique, et les interdépendances sont d’ordre technique, biologique, psychologique, géologique, esthétique.

L’application d’une approche systémique à la création sonore s’exprime à travers deux principales tendances. La première, d’ordre conceptuel, porte sur les interdépendances entre les sons et les sources au sein d’un environnement sonore. Quant à la seconde tendance, d’ordre technique, elle s’adresse à l’utilisation des outils technologiques dans la création sonore numérique. Dans cette dernière, l’idée n’est généralement pas tant d’utiliser les technologies comme finalité, mais plutôt de les considérer comme des supports permettant d’exprimer des concepts.

Pensée systémique de la création musicale

C’est dans les années 1960 que la pensée systémique s’étend au domaine artistique contemporain et sonore. En 1968, le critique d’art et commissaire Jack Burnham propose l’utilisation du terme « système » pour définir les pratiques artistiques de cette époque, qui semblent dépasser le statut traditionnel de l’œuvre comme objet. En effet, on voit apparaître davantage d’œuvres qui se présentent sous la forme de happening ou d’environnements, parallèlement à une réappropriation des technologies électroniques et informatiques. L’intérêt se concentre sur les interactions humains-machines-environnement et délaisse les objets en tant que tels. Dans son célèbre essai « Systems Esthetics », Burnham élabore le profil d’une « esthétique des systèmes » comme perspective relationnelle, laquelle relie à la fois des éléments hétérogènes, des dispositifs technologiques et des organismes vivants (Burnham, 1968). Selon lui, un système se définit par des limites conceptuelles plutôt que matérielles : le processus est privilégié par rapport au résultat final. En d’autres termes, l’information, radicalement immatérielle et souvent non visualisée, est prioritaire. Alors que l’objet a presque toujours une forme et des limites fixes, la cohérence d’un système peut être modifiée dans le temps et l’espace, son comportement étant déterminé conjointement par des conditions externes et par ses mécanismes de contrôle internes.

We are now in transition from an object-oriented to a systems-oriented culture. Here change emanates not from things but from the way things are done. (Burnham, 1968, 31)

La perspective systémique permet non seulement de passer de l’objet à un réseau de relations entre sujets et environnement, mais aussi de déplacer l’attention du visible vers l’invisible : « In a systems context, invisibility, or invisible parts, share equal importance with things seen » (Burnham, 1968, 35). Cette remarque sur l’invisible vient tout à fait à propos dans le cas de cet article, puisque le médium étudié est le son, omniprésent et invisible. Ainsi, l’esthétique des systèmes avancée par Burnham pour la sculpture peut être transposée au champ artistique de l’installation, plus particulièrement de l’installation sonore, dont on observe les premières manifestations à cette même période. En effet, cet élargissement du cadre artistique permettant d’inclure l’environnement opère nécessairement des glissements conceptuels et esthétiques, et donc des changements de format. Passer de la conception d’un objet à la conception d’un système nécessite des stratégies différentes, des lieux différents, des échelles différentes, des médiums différents. À cette fin, le son, l’espace et le temps, ainsi que les technologies électroacoustiques constituent des médiums propices à intégrer une pensée systémique.

Par exemple, chez le compositeur et architecte Iannis Xenakis, notamment, la manifestation sonore de la pensée systémique s’exprime via les technologies informatiques et une approche mathématique de l’espace. On peut penser à ses compositions stochastiques générées par l’UPIC, un programme informatique qu’il a lui-même conçu, utilisé entre autres dans la réalisation des Polytopes, une série d’œuvres son et lumière — des véritables environnements immersifs multimédias — créées pour des villes et sites spécifiques à travers le monde entre 1967 et 1984.

L’histoire de l’art s’appuie méthodiquement sur une catégorisation bien définie des disciplines.

Une approche systémique du sonore se reflète également dans les œuvres de Max Neuhaus, notamment dans son projet LISTEN, véritable manifeste de l’écoute, décliné sous forme de conférences, d’articles, de cartes postales, d’affiches, ainsi que de promenades sonores dans la ville de New York. Ces marches sonores sont des explorations contextuelles, l’idée étant d’instaurer chez le public une curiosité et une sensibilité à l’hétérogénéité des sons qui cohabitent dans la ville — témoignant ainsi parallèlement de l’hétérogénéité de sa population. Dans le cas de Neuhaus en particulier, l’élargissement du cadre artistique pour inclure l’environnement marque le début d’un travail de longue haleine sur la possibilité de proposer une alternative au cadre imposé par la salle de concert : en restituant la musique à l’extérieur, sa démarche renvoie à l’art in situ et extra-muros.

Que l’approche systémique du sonore s’exprime via des enjeux techniques ou conceptuels, que les artistes aient reçu une formation musicale ou non, on peut ainsi observer dès les années 1960 l’émergence d’une nouvelle catégorie artistique, l’art sonore, que Neuhaus qualifie lui-même de catégorie quelque peu « fourre-tout » (Neuhaus, 2019, 262). On peut en outre émettre l’hypothèse que la naissance de cette catégorie est liée à l’engouement pour la pensée systémique qui anime les artistes de cette époque. Les tentatives pour définir cette pratique artistique aux frontières mouvantes et poreuses ne sont que peu concluantes. En effet, l’histoire de l’art s’appuie méthodiquement sur une catégorisation bien définie des disciplines. Cependant, lorsque les catégories ne sont pas clairement identifiables, comment peut-on explorer « les intermédiaires, les lignes, les transversales entre ces points (jusqu’à parfois parler d’un “art indiscipliné” plutôt que de disciplines artistiques). » (McKinley, 2020, 5; voir aussi Fryberger, 2020) Cette idée d’art indiscipliné et interstitiel — pour reprendre les termes de Maxime McKinley — entre directement en résonnance avec la pensée et l’esthétique systémique : ses limites n’étant pas matérielles, mais conceptuelles, celles-ci présupposent une capacité de réflexion, d’adaptation et de navigation à même la définition des catégories. Par conséquent, l’art sonore peut se situer entre les catégories — elle réaffirme ainsi son caractère systémique. Son médium, le son, invisible, se propage entre les sujets et leur environnement : le son est un intermédiaire, un médiateur.

À contre-courant de la musique concrète française des années 1950, qui pose le son en objet « réduit » 4[4. Terme tiré de l’écoute réduite schaefferienne (Schaeffer 1966).] coupé de son environnement, on retrouve, dans le domaine des arts sonores, entre autres, des artistes qui détournent le matériau pour repenser le son comme un liant, une « interface » (Di Scipio, 2003) entre des sujets, l’espace et le temps. Concevoir le son comme un médiateur entre des corps sensibles, intelligibles et/ou résonnants, c’est-à-dire s’intéresser aux relations qu’entretiennent les sons, avec les agents et leur environnement, permet de le considérer comme phénomène de l’expérience vivante de l’écoute, qu’elle soit humaine ou non. Le son n’est plus un objet, mais une manifestation d’interrelations dans le temps et l’espace. L’objet sonore de Schaeffer induit une écoute objective, bien souvent à partir d’un son extrait de son environnement, alors que le son médiateur sous-tend un rapport subjectif, inclusif et sensible au processus écologique et vivant de la perception. 5[5. À partir de cette réflexion, il convient de souligner qu’il n’est aucunement question de hiérarchiser telle ou telle perspective du sonore, mais plutôt de se situer, conceptuellement et esthétiquement.]

Neuhaus est par ailleurs l’un des premiers artistes à considérer le son comme un médiateur. Dans sa volonté d’amener la musique à l’extérieur et de l’intégrer à l’environnement sonore urbain, il réalise plusieurs installations sonores in situ telles que Fan Music (1967), où les sources sonores disséminées sur les toits de la ville réagissent aux variations de différents facteurs tels que la luminosité, l’humidité et la température. En s’entremêlant, ces derniers forment une « topographie sonore continue à travers le territoire urbain » 6[6. Notre traduction d’un extrait du texte de Neuhaus accompagnant le dessin de l’installation, que l’on peut consulter sur le site de la succession de Max Neuhaus. Consulté le 5 avril 2021.], en d’autres termes une « tentative d’adaptation à l’environnement » (Balit, 2015). En effet, l’attention est portée sur l’écosystème sonore urbain, et non sur certains sons en particulier. Dans le cadre de mise en place d’une approche écologique et systémique des environnements sonores, les pratiques sonores et artistiques de Neuhaus représentent un point de repère historique, au sens où son travail est un art d’écouter.

Prendre Max Neuhaus comme point de repère historique pour l’avènement de pratiques sonores dans les arts revient donc à quitter les tentatives, sans cesse avortées, de définition d’un « art sonore » pour s’ouvrir à celles d’un « art d’écouter », lequel ne répond à aucune discipline artistique, mais appelle à une discipline en soi. (Kihm, McKinley et Fryberger, 2020, 36)

Cet art d’écouter pourrait être qualifié, suivant ce raisonnement, d’« art relationnel », ce terme étant employé pour signifier que l’art d’écouter sous-entend la relation (aux autres, à l’espace, au contexte, etc.). Il fait un clin d’œil à l’Art relationnel, théorisé par Nicolas Bourriaud dans les années 1990, qui regroupe un ensemble de pratiques artistiques contemporaines « prenant pour point de départ théorique et/ou pratique la sphère des rapports humains » (Bourriaud, 1998, 8), en l’étendant aux non-humains. En effet : qu’est-ce qu’écouter sans son et donc, sans source sonore ? Qu’est-ce qu’écouter sans espace ? Qu’est-ce qu’écouter sans partage ? L’art d’écouter est bel et bien une pratique qui répond aux interactions sonores entre différents sujets, différents espaces, une pratique sensible aux significations de ces interactions. À partir de cette position, on peut imaginer qu’il y a autant de façons d’écouter qu’il y a d’êtres vivants dotés d’un sens de l’ouïe. L’art d’écouter ne porte pas tant sur la croissance d’une sensibilité vis-à-vis des objets sonores, mais plutôt sur une mise en relation de l’écoute avec son milieu. À cet égard, le milieu au sein duquel les interactions sonores agissent est aussi celui au sein duquel nous vivons. L’artiste et théoricien Brandon Labelle utilise le terme de « dynamique relationnelle » du sonore, un concept qu’il développe dans son essai Background Noise : Perspectives on sound art. Les premières lignes de l’introduction clarifient d’ores et déjà les dynamiques relationnelles du sonore :

Sound is intrinsically and unignorably relational: it emanates, propagates, communicates, vibrates, and agitates; it leaves a body and enters others; it binds and unhinges, harmonizes and traumatizes; it sends the body moving, the mind dreaming, the air oscillating. (Labelle, 2015, xi)

Cette affirmation sous-entend le caractère systémique de l’écoute, puisque c’est bien celle-ci qui permet d’interagir avec les sons et l’espace. Avant la création sonore, c’est l’écoute qui est dynamique, relationnelle et systémique, en ce sens qu’elle sensibilise le sujet au milieu dans lequel il évolue via la perception et la réaction aux interactions sonores. L’acte d’écoute se présente dès lors comme un acte créatif : en effet, c’est en écoutant que l’environnement se compose, qu’il fait sens et répond à notre présence sonore, comme le rappelle l’une des pionnières de l’écologie sonore, Hildegard Westerkamp :

Soundwalks give us that chance to practice listening to the unravelling of that continuous now, as we are grounded in the movement of walking and at the same time are learning to be mindful about our own soundmaking in this world. (Westerkamp, 2017)

L’écoute est donc non seulement systémique, mais elle est aussi écologique, réitérant notre présence à l’environnement sonore qui peut être considéré comme une expression particulière de l’environnement écologique. Plus précisément, se rendre disponible aux environnements sonores, c’est affiner une attention vis-à-vis leurs variations, leurs inventivités, et donc s’intéresser au plus près à ce qui le compose. En somme, démontrer un intérêt pour l’environnement, revient tôt ou tard à s’intéresser à l’écologie. Bien qu’un intérêt pour l’écologie s’étende au-delà du cadre, ce sujet anime depuis plus d’un demi-siècle des artistes qui font usage de l’art comme vecteur de sensibilisation à l’égard de la fragilité de nos milieux de vie.

Écologie, sciences environnementales et arts : repères

Le terme « écologie » tend à revêtir toute sorte de sens selon le contexte. Toutefois, il désigne à l’origine une discipline scientifique, et l’histoire de celle-ci recoupe en plusieurs points l’histoire de la théorie des systèmes.

L’écologie scientifique voit le jour à la moitié du XIXe siècle dans le domaine de la biologie. L’acte de naissance officiellement reconnu est la publication en 1866 du second tome de Generelle Morphologie der Organismen par le biologiste allemand Ernst Haeckel. À cette occasion, il invente le néologisme « Ökologie » : « Par écologie, nous entendons toute la science des relations de l’organisme avec l’environnement, y compris, au sens large, toutes les “conditions d’existence”. » (Haeckel, 1988, 286) L’écologie scientifique est une invitation adressée au biologiste à sortir du laboratoire — tout comme la pratique de l’enregistrement de terrain invite l’artiste à sortir du studio (ce point sera explicité dans la partie suivante). On ne s’intéresse plus à tel ou tel organisme, mais aux conditions d’existences de cet organisme, c’est-à-dire aux relations qu’il entretient avec le monde. Le vivant a donc un monde, et l’écologie s’engage à l’étudier. Or, on comprend rapidement que ce monde est composé d’interactions : l’activité d’un organisme suppose effectivement des échanges de matière, d’énergie, d’informations, de mouvements, de comportements, etc. Dans la mesure où l’écologue cherche à comprendre le monde des vivants, il doit comprendre ses interactions. Il est intéressant de remarquer que d’un point de vue chronologique, l’écologie scientifique arrive au moment même où l’industrialisation de l’agriculture et l’organisation scientifique du travail ouvrier commencent à avoir un réel impact sur les écosystèmes de la Terre. Paradoxalement, l’humain commence d’une part à s’intéresser aux écosystèmes de la biosphère terrestre et au fait qu’il ne peut plus s’en dissocier, d’autre part il se montre capable de les modifier, voire de les détruire.

En 1935, Arthur Georges Tansley invente le terme « écosystème » qu’il définit comme un système interactif qui s’établit entre l’ensemble des êtres vivants et leur milieu de vie (Tansley, 1935). Sans grande surprise, l’écologie devient alors l’étude des écosystèmes; il s’agit du premier lien direct entre ces deux termes, et c’est d’ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, aux environs de ces mêmes années que Bertalanffy réfléchit aux systèmes ouverts.

À la même époque, le biologiste et philosophe allemand Jacob von Uexküll fait une proposition inouïe. En 1934, il invente la notion de « Umwelt » qui signifie « milieu associé ». Dans son livre Milieu animal et milieu humain, il décrit, de manière inédite, l’expérience du monde telle que vécue par une tique. Explorant les aptitudes sensorielles de l’insecte, Uexküll démontre qu’elle connaît et façonne des mondes différents du nôtre. Il élabore ainsi un discours nouveau à même de décrire l’environnement depuis un vaste réseau d’activités sensorielles, où les espèces vivantes ne sont pas de simples objets inertes, mais bien des sujets conscients, dotés d’une intentionnalité. Cette théorie audacieuse fut à l’époque controversée parmi la communauté scientifique, puisque la science s’appuyait alors sur une conception mécaniste, dans laquelle les êtres vivants fonctionnent comme des machines sans « machiniste » (von Uexküll, 2010). Le fait d’imaginer un point de vue animal signifie bien que la méthodologie de Uexküll n’est pas strictement objective, c’est-à-dire qu’il y a une part importante de fiction dans une telle proposition. Au-delà du débat entre une position objective et un point de vue subjectif, l’intérêt d’une telle théorie est que le fait de considérer les êtres vivants comme des sujets bouleverse le paradigme de la nature inanimée et contrôlable, jusqu’ici largement répandue depuis Descartes. 7[7. En 1637, René Descartes publie son « Discours de la méthode » qui marque le début de la pensée moderne. Dans la sixième partie, Descartes exprime le but du réductionnisme et du mécanisme scientifique moderne : « au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature » (Descartes, 2001, 36).] La pensée écosystémique déconstruit ce projet moderne de maîtrise et de possession de la nature en réintégrant l’humain parmi les autres vivants et en reconnaissant les interrelations qu’il entretient avec ces derniers.

C’est cette même déconstruction conceptuelle qui s’opère dans le domaine du sonore, en considérant le son non plus comme un objet mais comme un médiateur. Ce que l’on entend par nature n’est plus seulement un beau paysage à peindre, c’est un écosystème vivant, où cohabitent une multitude de sensibilités et d’intentionnalités (animales, végétales, bactériennes, etc.). De ce fait, la frontière bien tracée depuis plusieurs siècles entre les humains et la nature tend à s’estomper : les êtres humains ne sont plus seuls à ressentir, à observer, à faire des choix, à être imprévisibles, à inventer, à créer, à faire des erreurs; la nature — que l’on nommera désormais « écosystèmes vivants » — fait tout cela aussi.

Cette idée que la vie s’invente et s’autorégule — non simplement selon des mécanismes prédéfinis, mais avec une intentionnalité — est portée à son paroxysme dans la théorie quelque peu excentrique 8[8. En 2014, le Musée des sciences de Londres lui a consacré une exposition dont le titre était « Unlocking Lovelock, Scientist, Inventor and Maverick ». Le terme « maverick » peut être traduit par « anticonformiste ».] de l’ingénieur anglais James Lovelock, en collaboration avec la biologiste Lynn Margulis. L’hypothèse Gaïa est une théorie développée dans son ouvrage Gaïa : A New look at life on earth (Lovelock 1979); celle-ci cherche en effet à démontrer que le « système Terre » est vivant et s’autorégule. L’un des traits marquants de cette hypothèse — considérée plutôt, selon le philosophe Sébastien Dutreuil, comme une philosophie de la nature — est que les vivants s’affranchissent des limites imposées par le milieu, non pas en s’y adaptant, mais en le modifiant (Dutreuil, 2021). Vivement critiquée pour son caractère peu scientifique et trop mystique, l’hypothèse Gaïa n’en reste pas moins prolifique : le vivant biologique n’est plus séparé de la terre géologique et peut dès lors assumer un rôle d’agent dans le maintien d’un écosystème habitable. Depuis une telle perspective, l’environnement est à son tour une extension de l’action des vivants. Dans le conte philosophique Où suis-je (2021), lors d’une randonnée dans le Vercors avec le géochimiste Jérôme Gaillardet et son amie Veronica, Bruno Latour décrit une scène symbiotique :

L’oxygène qu’elle inspire ne vient pas d’elle comme si elle devait porter sur son dos les lourdes bouteilles d’oxygène de l’Annapurna. D’autres qu’elle, innombrables et cachés, lui offrent gratuitement — pour l’instant — de s’en remplir les poumons. Quant à la couche d’ozone qui la protège du soleil — toujours pour l’instant —, elle forme au-dessus d’elle un dôme qui émerge du travail d’agents tout aussi invisibles, tout aussi innombrables, encore plus anciens — deux milliards et demi d’années de bactéries en action. Du coup, les bouffées de CO2 qu’elle relâche en respirant ne font pas d’elle une étrangère […], mais une respiratrice parmi des milliards de respiratrices dont quelques-unes profitent pour former le bois de la forêt de hêtre à l’ombre desquels elle reprend son souffle. (Latour, 2021, 21)

Cette mise en abyme d’une randonnée apparemment banale opère un déplacement vertigineux quant à la compréhension de notre place sur la planète. En effet, est-il possible de ne pas s’émerveiller devant un tel renversement, où désormais, irrémédiablement, nous dépendons d’autres vivants, plus nombreux et plus anciens, qui entretiennent le milieu dans lequel nous évoluons? Quel choc de s’apercevoir que ce qu’on prenait pour le ciel, la forêt, l’air est en fait l’œuvre de combinaisons, d’agencements, d’entrelacements, d’inventions de milliards d’agents, invisibles pour la plupart.

Ce n’est que tardivement, vers la fin des années 1960, que se popularise l’écologie, aiguisant une attention générale vis-à-vis la destruction des écosystèmes et l’organisation de mouvements écologistes. Dans le champ de la création artistique, l’engouement pour l’écologie s’est exprimé principalement par le mouvement du Land Art; ce dernier est théorisé et initié par Robert Smithson en 1968 avec son essai « The Sedimentation of the Mind : Earth Projects ». Comme la majorité des mouvements artistiques des années 1960, l’intention est de s’extraire de l’objet et d’élargir le cadre artistique pour inclure l’environnement. Tel qu’avancé précédemment, on peut soutenir l’hypothèse que ces changements de paradigmes sont liés à la pensée systémique qui infuse les arts à la même époque. Dans le cas du Land Art, c’est non seulement la pensée systémique qui anime le désir de travailler avec des environnements changeants plutôt qu’avec des objets, mais aussi la pensée écologique, qui se manifeste par une intention de travailler à partir de matériaux naturels (bois, pierre, sable, etc.) et d’y adjoindre l’imprévisibilité des éléments. Du côté de la création sonore, la pensée fait son entrée par le biais du de l’écologie sonore menée, entre autres, par le Canadien R. Murray Schafer. Parallèlement, la bioacoustique est par ailleurs une science qui traverse le travail d’un grand nombre d’artistes sonores s’intéressant à l’écologie. Enfin, si écologie rime avec une culture de l’attention, on ne peut se refuser à voir dans les pratiques dérivées du deep listening de Pauline Oliveros une pensée écologique tout aussi intéressante et pertinente.

Pensée écologique et environnementale du sonore

Nous en revenons en fait à la question de l’attention, qui est à mon sens le véritable point de départ de toute pensée « écologique ». (Neuhaus, 2019, 27)

Comme mentionné auparavant, l’environnement sonore de la planète évolue constamment, et ces changements influencent le comportement des êtres vivants. Lors de la révolution industrielle du 19e siècle, bouleversé par l’activité humaine, l’environnement sonore connaît un changement drastique. À titre d’exemple, le terme « pollution sonore » en découle. L’industrialisation apporte sans concession de nouveaux sons dans l’environnement, bien souvent avec des conséquences néfastes pour les humains et les animaux, dont ils masquent l’expression sonore. D’abord les nouveaux matériaux comme l’acier et la fonte, ainsi que les nouvelles sources d’énergie comme le charbon et la vapeur s’imposent dans l’espace urbain, puis colonisent les milieux ruraux. Ouvrant la voie à une mécanisation des moyens de production et de transport, on y entend des sons inouïs comme la pulsation et la vibration continue des machines. D’autres sons apparaissent durant cette période d’industrialisation à savoir les sons reproduits et retransmis : les nouvelles technologies électroacoustiques comme le téléphone et le gramophone permettent la reproduction, la conservation et la transmission des sons qui peuvent désormais voyager dans le temps (reproduction) et dans l’espace (transmission). Enfin, la révolution électrique permet d’accroître la vitesse de transmission de l’électricité jusqu’à arriver au familier ton défini de 60 Hz et de multiplier les sources sonores ainsi que leur portée grâce au perfectionnement des techniques d’amplification, entraînant d’importantes répercussions dans les domaines musical, économique et sociopolitique. À partir des années 1970, une littérature importante émerge autour des effets négatifs du bruit sur la santé et sur l’équilibre des écosystèmes. 9[9. Notons qu’il n’a pas fallu attendre les années 1970 pour voir apparaître des plaintes et des législations contre le bruit en ville. Schafer nous apprend que la première législation contre le bruit fut l’œuvre de Jules César qui énonçait en 44 AEC qu’aucun véhicule sur roues ne sera autorisé à pénétrer dans l’enceinte de la ville entre le lever du soleil et l’heure précédant son coucher. Les plaintes remontent à 117 AEC où l’on peut lire dans la troisième Satire de Junéval qu’il est « totalement impossible de dormir dans quelque endroit que ce soit de la cité. La circulation perpétuelle des chariots dans les rues alentour […] réveillerait les morts. » Les plaintes sont diverses et variées : à Berne, en 1784, on se plaignait de l’aboiement des chiens; en 1886, du travail de nuit dans l’industrie du bois; en 1927, des enfants bruyants (Schafer, 1994, 278).] En effet, les réactions et les contestations des habitants sont de plus en plus nombreuses; dans les grandes métropoles, l’augmentation du bruit ambiant atteint une moyenne de 0,5 dB par an selon des études du World Soundscape Project (Schafer, 1994). L’Organisation Mondiale de la Santé publie ses premiers résultats concernant le bruit en 1980.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, le bruit se définit d’une part comme l’ensemble des sons indésirables et d’autre part comme les sons dont le niveau est suffisant pour occasionner des effets nocifs sur la santé (Gouvernement du Québec, 2022). Le bruit que provoque l’industrialisation moderne s’accroît malgré les tentatives d’opposition : c’est ce que Schafer nomme le « bruit impérialiste ». Selon lui, les bruits du pouvoir et de l’impérialisme ne connaissent pas la censure, et les machines ne s’interrompent que rarement. Ainsi, le bruit de l’industrialisation, c’est sa toute-puissance, et Schafer propose cette anecdote pour l’illustrer : alors qu’il réfléchissait à un moyen de réduire le bruit de sa première machine à vapeur, James Watt en fut dissuadé, car ce bruit incarnait la puissance qui donne au chemin de fer ses allures de conquérant (Schafer, 1994, 122). Les sons que produit l’impérialisme écrasent, par leur nombre et leur intensité, la diversité des signatures sonores des êtres vivants cohabitant dans un même espace.

Cette domination engendre évidemment un déséquilibre et devient la source de plusieurs problèmes. D’abord, il s’agit d’un problème social, puisque toute personne n’est pas égale face à l’exposition au bruit. Par exemple, les travaux menés par la Direction régionale de santé publique (DRSP) du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal en collaboration avec l’Université de Montréal et Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) ont révélé, depuis 2010, que près de la moitié de la population de l’Île de Montréal (46 %) dont le revenu familial est égal ou inférieur à 40 000 $ est exposée à des niveaux de bruit (LAeq24 10[10. Exprime la moyenne de l’énergie acoustique reçue sur une période de 24 heures.]) supérieurs ou équivalents à 60 dBA. Cette proportion diminue avec l’augmentation du revenu familial.

Ensuite, ce déséquilibre engendre un problème d’ordre esthétique. Schafer parle à ce sujet d’environnement lo-fi et congestionné, où le rapport signal bruit, dans un cas extrême, serait égal à 1. À ce stade il n’est plus possible d’identifier un message dans le flot d’information. Bien que le terme « lo-fi » puisse être contesté quant à sa connotation, on ne peut manquer d’observer que les environnements sonores s’anthropisent et qu’il en résulte un déséquilibre. Cette impression est très bien explicitée par Michel Chion, lorsqu’il décrit une scène où le son des cloches d’église est noyé sous les bruits de la circulation :

Si les cloches ne sont plus ce qu’elles étaient, c’est bien sûr à cause de l’invasion des véhicules à moteur avec leur bruit visqueux, incertain, continu. Aujourd’hui, la rumeur de la circulation automobile forme un fleuve sonore grisâtre qui commence à s’écouler par les rues dès le matin, et qui ne s’interrompt même pas le dimanche. C’est lui qui noie dans son flot boueux, comme les souvenirs d’une fête, les fines résonances et les notes dorées descendues des clochers. Cela non pas parce qu’il est laid ou sonne mal, mais parce qu’il est sourd et continu, tout simplement. (Chion, 1993, 29)

Cet extrait décrit le bruit de la circulation comme une masse informe et grotesque qui emporte tous les détails sur son passage. Chion précise bien qu’il ne s’agit pas d’un problème formel, mais d’un manque de diversité.

De la même façon, le bruit impérialiste engendre un problème écologique en masquant les autres sources sonores : ce faisant, il modifie la perception que les êtres vivants en ont, entraînant des problèmes communicationnels et comportementaux. En effet, la plupart des animaux émettent des signaux afin de communiquer avec leurs congénères. Ces échanges complexes leur permettent entre autres d’attirer un partenaire en période d’accouplement, de défendre leur territoire, de signaler la présence d’un prédateur ou d’une proie, etc. Cependant, bon nombre de ces signaux sont masqués par l’anthropophonie 11[11. Terme inventé par le bioacousticien et compositeur Bernie Krause dans son ouvrage The Great Animal Orchestra paru en 2012. L’anthropophonie regroupe toutes les sources sonores d’origine humaine.] urbaine, qui dérègle ainsi l’écosystème fragile des communications animales. On peut apprendre, par exemple, que les signaux des poissons-clowns de la grande barrière de corail, sur la côte australienne, sont fréquemment masqués par le passage des bateaux à moteur; incapable de prévenir leurs pairs d’un potentiel danger, l’espèce est donc de plus en plus sujet à la prédation. Plus récemment, une étude menée en 2018 par des étudiants en sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) a démontré que certaines espèces d’oiseaux adaptaient la fréquence de leur chant pour ne plus être masquées par les bruits de la circulation (Roca et al., 2016). D’ailleurs, suite aux mesures de confinement liées à la pandémie du Covid-19, une nouvelle écophonie fait son entrée dans les zones urbaines. Depuis peu, une étude — intitulée Silent Cities — recueille sur le globe, des enregistrements sonores des milieux urbains qui témoignent des changements qui ont eu lieu pendant et après la période de confinement. 12[12. Démarré à la mi-mars 2020 par des scientifiques de la France et du Royaume-Uni, ce projet se base tout autant sur la participation volontaire de chercheurs, mais aussi de quiconque en mesure d’effectuer les enregistrements requis (Descoteaux, 2020).]

Vers une écoute écologique

L’étude du paysage sonore, ou « soundscape studies », est une discipline inventée par R. Murray Schafer, considéré comme le pionnier de l’écologie sonore. En 1969, il fonde le programme de recherche et d’enseignement The World Soundscape Project (WSP), à l’Université Simon Fraser à Vancouver. 13[13. Les projets du WSP cherchent d’une part à sensibiliser le public au son, à documenter l’environnement sonore et ses caractéristiques changeantes, d’autre part à introduire le concept et la pratique de la conception d’ambiances sonores comme alternatives au bruit.] Après sa création, le projet suscite rapidement de l’intérêt, à mesure que différents pays se soucient d’écologie, en particulier du bruit. Le terme « paysage sonore » permet d’y désigner la façon dont les êtres perçoivent leur environnement : en tant que récepteur, l’individu appartient en fait à un système dynamique d’échange d’informations (Truax, 1984). Produit par l’homme, le paysage sonore est en ce sens la manifestation acoustique d’un lieu. Intégrant tous les sons produits à l’intérieur d’une région donnée, l’environnement sonore en reflète étroitement les caractéristiques sociales, technologiques et naturelles tout en traduisant ses modifications. L’une des tâches de l’écologie sonore consiste donc à déterminer si cet environnement peut conserver son équilibre sonore, voire comment on peut l’améliorer. 14[14. À ce titre, l’une des approches du WSP est éducative. Grâce à des exercices d’écoute, les individus prennent conscience du paysage sonore actuel, du rôle qu’ils jouent en tant que producteurs de sons et de l’influence qu’ils peuvent avoir sur l’environnement. Pour les chercheurs et chercheuses, l’écoute et la production de sons sont intimement liées, dans la mesure où la qualité sonore de l’environnement se mesure à partir de leur point d’équilibre : si ce que j’entends est plus intense que ce que j’émets, il y a déséquilibre. Inversement, notre capacité d’écoute augmente considérablement dans un environnement acoustiquement limpide, avec un rapport signal-bruit élevé qui permet de discerner le moindre son.]

Si les Soundscape Studies n’affichent aucune préférence dans les types d’environnements à l’étude, la discipline de la bioacoustique, quant à elle, va se concentrer sur l’étude et la préservation des environnements sonores non urbains. Ce genre de démarche a servi comme inspiration pour d’innombrables artistes sonores qui travaillent avec les environnements non urbains. Ainsi, le bioacousticien et compositeur Bernie Krause œuvrera toute sa vie à partager son amour des environnements sonores non urbains en documentant leur évolution, en témoignant de leur richesse musicale tout comme de leur fragilité et de leur disparition. On peut également citer l’artiste Chris Watson qui s’est tourné dans les années 1970 vers l’enregistrement de terrain. 15[15. Pratique mieux connue par le terme anglais « field recording ».]

C’est l’acte même d’écouter qui se retrouve au centre de la création sonore.

L’enregistrement de terrain est une pratique partagée par la majorité des artistes sonores qui s’intéressent aux relations écologiques que nous entretenons avec l’environnement sonore. Depuis ses origines dans les recherches ethnographiques du 19e siècle, cette pratique s’est étendue à travers une diversité de pratiques musicales et artistiques; celle-ci explore et conteste les aspects de l’environnement vécu via le médium du son enregistré. En effet, l’objet de représentation de l’environnement sonore ainsi que le contexte d’utilisation des enregistrements ont évolué et se sont diversifiés. Notons d’abord la documentation des signatures acoustiques du monde animal, initialisée par le premier enregistrement d’oiseau de Ludwig Koch en 1889. Ensuite, au début du 20e siècle, avec la popularisation de l’ethnographie, on pratique la documentation de rituels sociaux, d’échanges verbaux, de cérémonies. L’intégration du son au cinéma a également ouvert d’autres enjeux quant à l’enregistrement de l’environnement sonore. Enfin, les pratiques d’enregistrement de terrain s’approfondissent avec les nouvelles stratégies d’intégration de sons de l’environnement et de bruits dans la musique expérimentale, depuis L’art des bruits (1913) de Luigi Russolo jusqu’à la naissance de la musique concrète. A fortiori, l’enregistrement de terrain se retrouve à la convergence de tous ces héritages.

En ce qui concerne l’intérêt pour l’écoute écologique des environnements sonores, comme c’est le cas dans les œuvres anecdotiques de Luc Ferrari, ou les paysages sonores de Hildegard Westerkamp, les rivières d’Annea Lockwood, les forêts de Francisco Lopez, ou encore les œuvres sonores environnementales d’Andrea Polli, c’est bien l’écoute et l’expérience sonore du terrain qui est un prélude à la création. En effet, elle permet une première exploration sonore du terrain et livre les premières idées techniques (le choix du micro et son placement), conceptuelles (quelles idées émergent de cette écoute) et/ou esthétiques (quelles formes se présentent à partir de l’écoute). Éventuellement, l’expérience sonore permet d’offrir une idée plus ou moins précise de l’utilisation musicale des sons enregistrés sur ce terrain (Lane et Carlyle, 2014). Avec l’utilisation de l’enregistrement de terrain comme méthode, et parfois comme fin, c’est l’acte même d’écouter qui se retrouve au centre de la création sonore. Ceci permet a fortiori d’ébaucher recherche artistique autour de l’écologie.

Sensibilité écologique rime indéniablement avec attention : pour se rendre sensible, il faut être attentif, à l’écoute. C’est l’une des raisons pourquoi les dérivées du « deep listening » de Pauline Oliveros partagent de nombreux points communs avec une pensée écologique, bien que ses considérations soient moins environnementales que culturelles et sociales. À partir des années 1970, Oliveros développa sa pratique, qu’elle transmettait sous forme de retraites, d’ateliers ou de conférences, jusqu’à rassembler toutes ses recherches dans son célèbre ouvrage Deep Listening : A Composer’s sound practice, paru en 2005. Les bases de cette pratique sont les Sonic Meditations, initiées en 1971. Il s’agit d’une collection de méditations écrites, pouvant être appréciées de diverses façons : récitées comme de la poésie, ou encore performées dans l’intimité ou devant public. Elle remarque que la plupart des interprètes n’écoutent pas activement lors de l’exécution de leurs spectacles. Bien évidemment, le fait d’entendre ne garantit pas que l’on prête attention au continuum spatio-temporel, dans la mesure où il y a coupure avec l’environnement lors de la performance. C’est pour donner suite à ces observations qu’Oliveros décide de se pencher sur les stratégies et processus d’attention humains. Le deep listening est une sorte de pratique d’écoute méditative qu’Oliveros explique ainsi dans l’introduction de son livre :

[Deep Listening is] the process of practicing listening with the understanding that the complex wave forms continuously transmitted to the auditory cortex from the outside world by the ear require active engagement with attention. Prompted by the experience and learning, listening takes place voluntarily. Listening is not the same as hearing, and hearing is not the same as listening. The ear is constantly gathering and transmitting information — however attention to the auditory cortex can be tuned out. Very little of the information transmitted to the brain by the sense organs is perceived at a conscious level. Reactions can take place without consciousness. (Oliveros, 2005, xxi)

Ses expérimentations débutent avec elle-même, remarquant la manière dont des sons chantés en continu affectent son corps. Elle découvre alors qu’ils ont la capacité de détendre ou de tendre son état physique et/ou émotionnel. Par la suite, l’écriture qui résulte de la pratique du deep listening dévoile de nouveaux aspects très intéressants : le fait de décrire, par exemple, de se remémorer, avec précision, toutes les subtilités qui s’animent, prennent vie lorsqu’on « ouvre » ses oreilles. Les retranscriptions de séances d’écoute méditatives d’Oliveros sont à cet effet d’une précision et d’une sensibilité presque magique. En outre, un véritable dessein écologique se dessine à travers cette pratique, puisque le degré d’attention et de sensibilité qu’elle demande a un réel impact sur la manière de concevoir les environnements sonores urbains, en formant par exemple des urbanistes, des ingénieurs et des architectes à cette pratique.

The level of awareness of the soundscape brought about by deep listening can lead to the possibility of shaping the sound of technology and of urban environments. Deep listening designers, engineers and city planners could enhance the quality of life as well as sound artists, composers and musicians. (Oliveros, 2005, xxi)

En résumé, la pensée écologique de la création sonore se situe à la convergence d’une diversité d’approches et de pratiques historiques, allant de l’ethnographie jusqu’à l’écologie sonore en passant par le deep listening. L’intérêt est dès lors recentré sur l’expérience sonore de l’environnement et les réponses émotionnelles qu’elle déclenche chez les artistes. L’écoute est un moyen de comprendre et de faire face à la crise écologique et aux émotions qu’elle provoque comme Hildegard Westerkamp nous le rappelle :

We need to allow for time to pass without any action, without any solutions and to just experience it. I think that a slowdown is an absolute — if there is any chance to survive — that kind of slowing down through listening and meditation and through not doing so much, I think there is some hope in that. (Westerkamp, dans Schryer, 2021)

Synthèse : de la pertinence d’une approche écosystémique de la création sonore

Comme l’écrit l’activiste écoféministe américaine Joanna Macy, la théorie des systèmes est une « nouvelle manière de voir » permettant aux disciplines (y compris l’écologie, la philosophie, et l’art) de déplacer des points de vue sur le réel et de se poser autrement des questions quant aux impacts de l’activité humaine sur les écosystèmes :

Ludwig von Bertalanffy, le père de la théorie générale des systèmes, l’a appelé une « manière de voir ». Alors qu’elle a donné naissance à de nombreuses théories dérivées, relatives à des champs et à des phénomènes particuliers, l’approche systémique est restée uniquement cela, une « manière de voir » reconnue par de nombreux penseurs comme la plus grande et la plus ambitieuse révolution cognitive de notre temps. L’anthropologue Gregory Bateson l’a surnommée « la plus grande bouchée prise à l’arbre de la Connaissance en deux mille ans. Parce que le point de vue systémique s’est propagé dans tous les domaines de la science, de la physique à la psychologie, il a fait pivoter le prisme à travers lequel nous percevons la réalité. Au lieu de contempler des entités aléatoires distinctes, nous prenons conscience de l’interconnexion des flux — d’énergie, de matières, d’information — et nous voyons les formes de vie comme des modèles de ces flux. (Hache, 2016, 176)

Notre compréhension de la planète Terre change; la pensée écologique de Haeckel, ainsi que la pensée systémique de Karl Ludwig von Bertalanffy, marquent assurément une réorientation du champ d’études de nombreuses disciplines autour de cette notion d’interconnexion. Au fil des découvertes, l’observation de phénomènes biologiques, de systèmes électroniques et informatiques va permettre d’amorcer des questionnements relatifs à la vie, au naturel, à l’artificiel, à l’humain, et finalement laisser place à une véritable philosophie des vivants d’émerger. Encore aujourd’hui, cette philosophie inspire des scientifiques environnementaux, biologistes, anthropologues, et artistes; de nouvelles alliances interdisciplinaires voient le jour et approfondissent les rapports entre les sciences environnementales, les sciences humaines et les pratiques artistiques pour (re)découvrir nos relations au vivant. Comme l’exprime Bruno Latour, « c’est toute une espèce de chantier où il faut faire feu de tout bois pour se donner des affects qui correspondent à la nouvelle situation. » (Bourmeau, 2021) La situation actuelle, dans toute sa complexité, nécessite une réelle puissance d’imagination. N’est-il pas juste de considérer que les arts ont un rôle important à jouer dans la transmission de nouveaux récits et de nouvelles sensibilités écologiques? N’est-il pas juste d’y voir une source d’inspiration pour de nouvelles expressions esthétiques, techniques et conceptuelles dans les pratiques de création sonore ayant une approche écosystémique? S’enracinant dans les années 1960, l’approche écosystémique du sonore — qui combine une pensée systémique et une pensée écologique — continue de s’étendre dans les pratiques contemporaines et de questionner notre rapport à l’écoute et à l’environnement dans un contexte de crise écologique.

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