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Histoire, technologies, performances : une source de premier ordre pour la recherche sur l’électroacoustique au Canada

L’histoire de l’électroacoustique au Canada est … mais peut-être devrais-je d’abord donner une définition du terme « électroacoustique ».

Le terme « électroacoustique » fait référence au fait que l’énergie électrique (le signal) est convertie en énergie acoustique (le son) à l’aide d’un haut-parleur — un casque d’écoute n’est en fait qu’une paire de petits haut-parleurs.

Comme ailleurs dans le monde, l’histoire de l’électroacoustique au Canada commence vers la fin du XIXe siècle, avec les travaux de l’inventeur canado-américain d’origine écossaise Alexander Graham Bell, le père du transducteur électromagnétique — le microphone et le haut-parleur.

L’intérêt de Bell pour le son ne se limitait simplement pas à la transmission de la voix d’un lieu à un autre. Bell était profondément attaché à la dimension humaine du son et des technologies, comme en font foi ses recherches visant à mettre au point des appareils pour venir en aide aux sourds-muets et produire des sons s’apparentant à la voix humaine.

L’histoire du son au Canada, c’est aussi l’avènement de la première station de radio à obtenir une licence de diffusion à Montréal en 1919, CFCF Radio (XWA). La radio et les télécommunications contribuent encore à l’identité et à l’établissement de liens dans un pays dont l’étendue couvre plus de cinq fuseaux horaires.

L’électroacoustique ne se limite pas à la reproduction du son, mais couvre également la production, la recherche, l’invention et la créativité nécessaire à la concrétisation sonore des idées. Au cours des années 1940, les canadiens Norman McLaren et Hugh Le Caine se sont illustrés comme inventeurs et compositeurs. Ils ont fait œuvre de pionniers dans le domaine de l’« invention sonore » et sont reconnus à ce titre dans l’histoire internationale de l’électroacoustique.

On peut certainement dire que les compositeurs ont un intérêt particulier pour la technologie, sans quoi la seule musique possible serait vocale; en effet, les instruments — tant acoustiques qu’électroniques — doivent leur existence à la technologie. McLaren a travaillé directement avec la piste sonore optique de la pellicule, qu’il a dessinée, grattée et photographiée, et Le Caine a inventé des appareils à produire des sons à partir d’oscillateurs récupérés de bombardiers de la Seconde Guerre mondiale mis au rencart.

Des compositeurs et inventeurs européens, américains, japonais et australiens ont pris part, chacun à leur manière, à cette activité créatrice dans le domaine du son. Des studios de musique électroniques ont été créés pour promouvoir ce nouveau domaine de recherche, à l’initiative de certaines chaînes de radio en Europe et des milieux universitaires aux États-Unis, en Australie et au Canada.

Les universités canadiennes commencèrent à mettre sur pied des studios de musique électronique. Portée par sa popularité croissante vers la fin des années 1960, la musique électronique est sortie des milieux de « recherche » pour faire son entrée dans les programmes d’enseignement de la musique. Ce nouveau domaine a su attirer de jeunes compositeurs, des producteurs de musique populaire, de radio expérimentale, des créateurs œuvrant dans les arts visuels, le théâtre et la danse et, plus particulièrement, des producteurs de film et vidéo. Ces nouvelles techniques sonores trouvaient leur application dans toutes ces pratiques apparentées, bien que de manières différentes selon les domaines.

Alors que l’on commençait à enseigner la musique électronique, il est apparu que son principal problème n’était pas sa production, mais plutôt l’absence de moyen fiable de distribution des œuvres. Peu de disques étaient produits et la plupart étaient américains ou européens. Pour un compositeur canadien, distribuer dix copies d’une pièce signifiait produire lui-même dix copies, une à la fois; un exercice coûteux, exigeant beaucoup de temps et d’argent. Non seulement le prix des bandes était-il passablement élevé (le coût d’un ruban de bonne qualité de 30 minutes était l’équivalent de 20 à 30 tasses de café!), mais les coûts de studio et des équipements étaient prohibitifs. Seuls les mieux nantis et les universités pouvaient se procurer un magnétophone à un prix variant entre 3 000 et 5 000 $ (en dollars de 1969); sans compter qu’il en fallait au moins deux pour copier une bande.

Au début des années 1970, lorsque les studios de Concordia ont été créés, une petite collection d’œuvres était conservée à des fins éducatives. L’idée d’une telle collection d’œuvres n’était pas nouvelle; les studios de musique électronique des années 1950–60 conservaient des copies des pièces qui y étaient composées, pour diffusion en concert, duplication, référence et archivage. C’est ainsi que la collection de Concordia a vu le jour, tout d’abord avec l’enregistrement des répétitions et des concerts de l’ensemble MetaMusic au début des années 1970, puis par l’ajout progressif de nouvelles pièces au fur et à mesure de leur création.

Au début des années 1980, après la disparition de MetaMusic et de son successeur anonyme, un groupe s’est formé à Concordia, le Concordia Electroacoustic Composers’ Group / Groupe électroacoustique Concordia (CECG/GEC), pour jouer, composer (Rhino Prods Reg.) et produire des concerts — ces concerts sont à l’origine de la série connue aujourd’hui sous le nom d’Électroacoustique Université Concordia University Electroacoustics (EuCuE). Le CECG/GEC procédait par appels d’œuvres, mais en l’absence d’infrastructures, tout se faisait par la poste. Le ruban était coûteux et le nombre de copies d’une pièce était limité. Ces contraintes expliquent d’ailleurs le caractère unique des collections d’enregistrements des différents studios dans le monde.

Le CECG/GEC produisait des concerts tout au long de l’année et offrait ainsi de nombreuses occasions de performance pour les jeunes compositeurs et les compositeurs bien établis. Le CECG/GEC se distinguait des autres groupes de « compositeurs-interprètes » également par son engagement envers la communauté musicale à l’échelle nationale et internationale, ce qui explique la croissance de la collection dès le début des années 1980.

Au milieu des années 1980, la première base de données de la collection a été créée par Jean-François Denis, avec l’aide financière de l’Université Concordia, et elle a été publiée sous le titre de Q-Resonance. Mais l’archivage de la collection n’a pas pour autant mis fin aux efforts de promotion de la composition, de l’improvisation/composition en temps réel et de la production de concerts. Toutes ces activités confèrent à cette collection son caractère particulier et unique.

Kevin Austin consacre du temps aux activités d’archivage depuis les années 1970. À la suite du succès de la publication de Q-Resonance, il a élargi ses activités d’archivage et a créé des bases de données pour un certain nombre de collections importantes : l’Université de Toronto (vers 1988), l’Université McGill (vers 1988), les studios Columbia-Princeton (vers 1989), Sonde (vers 1989) et le studio de Radio-Varsovie (vers 1989). Depuis ce temps, certaines de ces collections ont également été numérisées.

Il est apparu assez tôt que le projet d’archivage poserait un certain nombre d’exigences technologiques, en raison de la grande diversité de supports et de formats utilisés pour conserver les pièces : plusieurs formats de bande analogique 1/4 de pouce et 1/2 pouce, plusieurs formats de cassette, des cassettes vidéo Beta et VHS, des cassettes audionumériques stéréos DAT et audionumériques 8 pistes ADAT, en plus du ruban 8 pistes 1/2 pouce et du format 8 pistes de TASCAM.

Tous ces formats étaient coûteux, volumineux, rigides et incompatibles! Puis le CD audio (16/44,1) et le CD-R sont apparus. Ce dernier a entraîné des changements importants dans le système de distribution : n’importe qui pouvait désormais produire autant de copies qu’il le voulait à coût modique. Mais le changement le plus important à survenir est l’avènement d’Internet : les œuvres ne sont alors plus distribuées, mais offertes sur demande. C’est pour cette raison que cette partie du projet se termine avec les œuvres datant du milieu des années 1990.

À l’occasion, des individus et des groupes fournissaient des enregistrements à la collection à des fins de diffusion, d’archivage ou simplement de stockage. Aucun espace particulier n’était prévu à Concordia pour toutes ces boîtes qui ne cessaient de s’accumuler, et les enregistrements ont simplement été rangés dans un espace au sous-sol du département de musique — un endroit qui a subi seulement quelques inondations, mais qui est bien chauffé par les tuyaux passant tout près des boîtes! Les enregistrements n’étaient pas classés, seulement « empilés » au fur et à mesure que les boîtes s’accumulaient.

Un effet secondaire important de cette accumulation est que la collection de Concordia témoigne d’une diversité de travaux et de styles sur une longue période d’activité. Le personnel et les étudiants de Concordia avaient la possibilité de fouiller parmi ces pièces et de les écouter. Ian Chuprun a passé un an à écouter tout le contenu de la collection qui compte environ 1 000 pièces. Cette collection est devenue une source de recherche de premier ordre.

Concordia University / Université Concordia

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