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Francis Dhomont - Vol d'arondes

Program Notes

La notion d’espace en musique acousmatique constitue pour moi, depuis bien des années, une véritable préoccupation compositionnelle. Dès 1988 nousmanifestions, Annette Vande Gorne et moi, notre intérêt pour cette exploration en ouvrant le débat dans la publication belge LIEN avec une série d’articles, « L’espace du son », consacrés à ce thème de réflexion. Trois ans plus tard, nous récidivions avec « L’espace du son II ». Depuis cette époque, l’attention des compositeurs pour le déploiement spatial de leurs oeuvres n’a fait que croître; quant au public, il considère désormais qu’un concert électroacoustique ne saurait se dispenser de cette dimension nouvelle. Face à cette demande, les moyens techniques se sont considérablement perfectionnés et touchent maintenant les installations domestiques, le format 5.1 ayant fait son apparition dans les foyers par le biais du film sur DVD. Cette spatialisation à domicile de la musique sur support s’apparente, selon moi, à l’apparition de la stéréophonie pour le disque microsillon et il semble probable aujourd’hui que ce format va progressivement se banaliser et remplacer la stéréo.

En revanche, je ne suis pas sûr qu’il représente pour le concert une acquisition bouleversante. Les possibilités de variations spatiales offertes par les actuels moyens de projection du son sur de très nombreux haut-parleurs (démultiplication de la stéréophonie à partir d’une console, œuvres composées en formats 8 ou 16 pistes, etc.) demeurent, à mon avis, beaucoup plus riches et plus souples que l’image acoustique permise par 5, 6 ou 7 haut-parleurs de même calibre, de même spectre et de même couleur disposés dans l’espace de façon standard. Néanmoins, la gestion automatisée de multiples paramètres simultanés et corrélés autorise des nuances qui ne sont pas toujours réalisables par étapes successives. L’intérêt d’un dispositif standard pourrait être aussi de faciliter, et donc de favoriser les diffusions publiques, comme l’a fait très tôt le cinéma en adoptant un format unique et international. Mais cela implique alors de renoncer à des configurations différentes selon les œuvres.

Dans Vol d’arondes, précisément, j’utilise une configuration particulière en entourant le public de 6 haut-parleurs mais en conservant la notion de « lointain » grâce à 2 haut-parleurs situés en fond de scène. Dans cette œuvre, comme dans d’autres pièces pour 8 canaux, j’utilise le plus souvent des couples stéréophoniques, notamment en ce qui concerne les sons captés par microphones. Car la stéréo, ce n’est pas simplement la simultanéité de deux sources sonores différentes, c’est une image acoustique qui conserve son « relief » binaural. Même s’il m’arrive aussi de faire intervenir des éléments monophoniques, je tiens à conserver l’espace interne propre aux prises de sons stéréo qui crée une perception d’espace irremplaçable. En outre, je trouve très musical de pouvoir alterner ou fusionner mono et stéréo, ce qui permet des contrastes très efficaces entre la précision de quelques sources sonores ponctuelles, très localisées, et des textures plus amples et diffuses.

Une dernière remarque : je crois que la perception auditive de l’espace est chose fragile qui peut varier beaucoup d’une personne à l’autre et selon la situation d’écoute. C’est pourquoi je m’efforce de construire des images spatiales très franches, très « lisibles » et me méfie des raffinements excessifs qui me semblent appartenir beaucoup plus aux intentions du compositeur qu’à la perception réelle qu’en a l’auditeur.

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