eC!

Social top

English

Musique électroacoustique

La pratique artistique

En guise de préambule, je tiens à préciser - même si cela semble évident - que mes réponses ne concerneront que de ma propre perception des sujets évoqués. Il faudra donc, au début de chaque réponse, sous-entendre: "selon moi".

* Décrire comment les pratiques ont changées ou pas depuis les cinq ou dix dernières années.

S'il s'agit des pratiques de studio, elles ont assurément changé en raison des apports technologiques. S'il s'agit des pratiques de composition (notion d'écriture) proprement dites, cela est plus complexe. On peut noter, bien sûr, des changements de préoccupations esthétiques - et donc de pratiques compositionnelles - en rapport avec l'annexion grandissante du champ musical, tous genres confondus, par les musiques populaires de toutes natures et origines. Mais ce n'est pas si simple. On assiste, par exemple, à des "retours", favorisés par la technologie, aux pratiques de la musique concrète originelle; ainsi l'échantillonnage et la qualité des microphones ont réactivé, après un engouement pour la synthèse, l'intérêt pour l'utilisation de sons acoustiques et, très souvent, anecdotiques. Le traitement numérique de tels sons met à la disposition du compositeur une palette sonore qui enrichit son écoute et modifie son discours morphologique. Plus généralement, on assiste à une circulation horizontale de courants multiples qui flirtent un moment ensemble, échangent des pratiques et cherchent le renouveau dans le métissage. L'éa n'échappe pas à l'attitude postmoderne.

* Est-ce que cette pratique est différente d'une région à l'autre? Si tel est le cas, comment, pourquoi?

Régions du Canada ou régions du monde? Certes, il existe des différences mais, les outils devenant les mêmes partout, je dirais que les pratiques me paraissent davantage liées aux familles de pensée qu'aux situations géographiques ou aux nationalités. Les compositeurs connaissent les musiques du monde entier par le CD, la radio, Internet et sont parfois influencés par des idiomes très éloignés de leur propre culture. Il n'est pas exclu cependant d'établir certaines corrélations entre cultures et méthodes; mais, ici encore, il faut être prudent.

* Est-ce que les “écoles”” de musique éa peuvent être catégorisées et délimitées les unes par rapport aux autres?

Pour les tendances extrêmes, ma réponse est oui. Mais nous avons vu que le nomadisme des genres est fréquent. Certaines catégories sont parfois privilégiées par des familles de compositeurs, ou "écoles" : acousmatique, musique mixte, live electronics, multimédia, musique interactive. Néanmoins, peu de groupes s'en tiennent à la stricte orthodoxie d'une seule catégorie à l'exclusion des autres. En revanche, certaines "écoles" sont identifiables par leur style, par leur "couleur" sonore, par des choix techniques, matériologiques et esthétiques.

* Est-ce que les changements technologiques ont un impact sur la pratique? Comment?

Voir réponse à la première question. Ajoutons que l'outil de production n'est pas neutre et qu'un changement de technologie ouvre souvent de nouvelles avenues à la création. Parfois la réflexion reste en deçà du changement technologique et alors le message se réduit, banalement, au médium. Parfois, au contraire, la pensée prend appui sur une possibilité technique nouvelle pour explorer des territoires musicaux inconnus. C'est toujours affaire d'écoute, de lucidité, de pratique et d'intuition; rarement de technicité.

* Est-ce que tous les praticiens de cet art se considèrent comme des compositeurs? Des artistes sonores?

Je n'en sais rien. Beaucoup me semblent, en effet, très attachés au statut de musicien et de compositeur. À part quelques exceptions, "Artiste sonore" ne recueille pas souvent leur adhésion, notamment chez les francophones. Ce que je constate, en revanche, c'est qu'un grand nombre d'ingénieurs et d'informaticiens sont persuadés d'être des compositeurs, confusion entretenue par le culte que notre époque voue au scientisme.

* Qu'est-ce qui est considéré comme marginal en éa et décrivez les chevauchements avec des pratiques en arts médiatiques?

C'est l'éa tout entière qui est communément considérée comme marginale. Alors, marginalité dans la marginalité? Je crois que les compositeurs éa ne s'estiment pas marginalisés par leurs incursions dans d'autres arts, notamment médiatiques.

* Est-ce qu'il y a un problème relié au sexe dans cette pratique? Ou de diversité culturelle? Ou générationnel?

Il est notoire que la proportion de femmes en éa est largement moins importante que celle des hommes. Est-ce dû à une forme de sexisme ou à un manque d'intérêt féminin pour cette discipline? Mais cela est en train de changer et l'on rencontre de plus en plus de femmes très actives dans la profession. Les problèmes culturels, quand ils existent, dépendent surtout du niveau économique des individus (manque de formation) ou des communautés (manque de moyens). Il y a aussi des cas où le culte (religieux ou politique) tient lieu de culture et considère comme impie la nature même d'une telle pratique. Quant aux jeunes générations, elles entrent de plain pied dans ce médium. Le seul problème qui me préoccupe, ce n'est pas qu'elles rejettent cette musique, comme l'ont fait leurs aînés, mais qu'elles la dévoient et/ou la banalise.

* Est-ce beaucoup de compositeurs se considèrent comme des interprètes? Comme diffuseurs ou avec d'autres interprètes en temps réel? Est-ce que beaucoup de compositeurs se considèrent comme des artistes multidisciplinaires?

La spatialisation des oeuvres concerne de plus en plus de compositeurs. C'est mon cas depuis longtemps, bien que le statut d'interprète ne m'attire pas spécialement . Pour les autres questions sur ce sujet, je n'ai pas d'opinion.

Gagner sa vie

* Comment la majorité des artistes gagnent-ils leur vie? Commandes? Enseignement? Impliqués dans d'autres médias?

J'appartiens à une génération qui a entendu dire pendant toute son enfance que "l'art ne nourrit pas son homme". C'est donc en toute connaissance de cause et sans état d'âme que je me suis engagé dans cette aventure risquée, sachant qu'il faudrait faire bien d'autres choses que de la musique pour assurer le quotidien. Et c'est exactement ce que j'ai fait pendant plus de cinquante ans. Entre temps, les compositeurs "savants", impressionnés par les juteux succès de la musique populaire, se sont démenés pour être considérés comme tout producteur de bien de consommation et donc rémunérés en conséquence. C'est assurément un progrès mais, pour certains, un asservissement et un risque de dérive. Quoi qu'il en soit, si l'on en croit des rapports de la SACEM (France), rarissimes - pour ne pas dire inexistants - sont les compositeurs éa qui vivent exclusivement de leurs droits d'auteur. Ils pratiquent donc, comme ce fut toujours le cas, l'enseignement, le journalisme, la chanson, l'administration de festivals et autres métiers (qui parfois n'ont aucun rapport avec la musique), auxquels se sont ajoutés des débouchés nouveaux, comme la radio, le studio d'enregistrement, le cinéma, la télévision, Internet, etc. Quant aux commandes, elles sont la forme moderne, publique et démocratique du mécénat traditionnel. Même incertaine, la vie matérielle d'un compositeur me paraît moins dangereuse aujourd'hui qu'elle ne l'était dans les siècles passés.

* Quelle est leur communauté? Qui considèrent-ils comme leurs pairs?

Des communautés existent en nombre et importance variables selon les pays. Les compositeurs s'y reconnaissent ou non selon des critères multiples et pas forcément rationnels. Certains indépendants se sentent à l'étroit dans des structures collectives. Quant aux pairs, je m'en tiens, pour ma part, à l'acception habituelle: personne semblable quant à la fonction.

* Pourquoi tant de compositeurs ont-ils fait des demandes de bourses dans la section arts médiatiques plutôt qu'au programme de musique au cours des dix dernières années? Ont-ils eu du succès? est-ce que cela a diminué leurs chances en musique ou au contraire cela a-t-il augmenté leurs chances? Est-ce que les compositeurs font des demandes dans les deux sections? Est-ce que cela est à mettre en relation avec leur pratique? Avec des frais de dépenses d'équipement mieux adaptées? Avec des bourses plus généreuses? Avec un jury d'évaluation qui comprendra mieux leur travail?

Sans opinion.

Diffusion de la musique

* Quels sont les modèles traditionnels de diffusion de cette musique? Est-ce que cet aspect a changé au cours des dernières années?

Domaine que je ne connais plus très bien. Il me semble cependant que la production de CDs et Internet ont modifié le paysage; et aussi, précisément, la collaboration de l'éa avec d'autres médias.

* Est-ce que les compositeurs d'éa sont présents autant les festivals d'arts médiatiques que dans les festivals musicaux? Comment? * Est-ce que la scène canadienne peut-être perçu comme progressive pour cette pratique artistique?

D'abord, peut-on dire sérieusement que l'éa est présente dans les festivals musicaux? J'ai tendance à penser, au contraire, qu'elle figure davantage dans les manifestations d'arts médiatiques qui ne pratiquent pas la même ségrégation. De plus, bien souvent les oeuvres éa programmées dans les festivals musicaux, sont des pièces mixtes ou instrumentales comportant des éléments éa. Certes, il y a quelques exceptions heureuses, mais rares, qui ne font que confirmer la règle générale. La scène canadienne me paraît semblable à celle des autres pays occidentaux. À Montréal, par exemple, combien d'oeuvres purement éa (acousmatiques) programme-t-on chaque année dans les concerts ou les festivals autres que ceux dédiés à ce genre (Réseaux, ACREQ, Concordia, etc.)? Est-ce mieux à l'ouest? Lors de la grande foire musicale "Montréal Musique Actuelle" l'éa pouvait-elle pavoiser? Ce qui paraît plus progressiste au Canada que dans certains pays, c'est l'aide réelle apportée à la création et à l'édition discographique de cette musique. (commandes, subventions, bourses diverses).

* Est-ce que la pratique de l'éa se diversifie en Europe ou ailleurs en fonction des pratiques des arts médiatiques?

Probablement. Je manque d'information.

La CEC - Son rôle

* Est-ce que les moyens premiers de communication - bulletin, rencontres, courriels - a évolué au cours des dernières années pour cette organisation? Comment et pourquoi? Comment ces changements ont pu affecter le subventionnement ou l'absence de subventionnement?

L'évolution des moyens de communication de la CEC se résume à leur quasi disparition. Internet est censé représenter la panacée alors que ce n'est qu'un cache-misère. Ce plaisir solitaire est loin de valoir les chaleureuses rencontres annuelles où nous pouvions découvrir les oeuvres de compositeurs si éloignés les uns des autres et échanger, de vive voix et durant plusieurs jours, idées et informations avec eux. Même le bulletin-papier n'a pas été remplacé par le courriel, sorte de circulaire purement utilitaire. Si mes souvenirs sont bons, ce ne sont pas les changements qui ont affecté les subventions mais la réduction des subventions qui a entraîné ces tristes changements.

* Est-ce qu'aucune des publications de la CEC s'adresse, au-delà des membres, à la communauté nationale ou internationale?

Je doute que les abonnés qui recevaient le Bulletin prennent le temps d'aller lire les informations sur leur écran: un journal qui arrive au courrier incite à la lecture et n'exige pas qu'on fasse l'effort de le chercher si l'on n'en a pas vraiment besoin. L'écrit vs l'écran! Mais je peux me tromper.

* Comment la CEC se définit-elle? Se considère-t-elle comme un organisme de service artistique? Si tel est le cas, pourquoi? Si ce n'est pas le cas, pourquoi et comment se considère-t-elle alors? * Comment la CEC évalue-t-elle les services qu'elle offre à la communauté? * Est-ce qu'elle revoie ou met à jour son mandat? * Est-ce les trois organisations musicales nationales communique avec les autres organismes de services? en partageant des initiatives? En ayant des représentants simultanément à des conférences? * Quel est le pourcentage que recouvre la CEC avec les autres organismes de services?

No comment.

* Quels sont les avantages que retirent les membres de la CEC de leur organisation? Quel est l'avantage que la communauté musicale contemporaine dans son ensemble retire de la présence de la CEC?

En tant que membre, j'apprécie la mise en commun d'une problématique qui nous concerne tous. D'autre part, l'union faisant la force - comme chacun sait... - je crois qu'une communauté peut être représentative alors que les individus ne sont rien pour les institutions.

Représentativité

* Quels sont les pratiques de l'éa et de d'autres musiques électroniques qui ne sont pas “couverts” par la CEC? Comment les servir pourrait-il bénéficier à la communauté? * Membership - comment se définit son champ d'intérêt et son membership en fonction de: l'improvisation, les interprètes, les producteurs, les nouvelles pratiques - culturels, sociales, genre, génération -, la jeune génération, la technologie. * Comment la CEC fait-elle du recrutement ou de la promotion pour son membership? * Est-ce qu'il y a d'autres problématiques nationales ou régionales qui ont un impact sur les services offerts à la communauté électroacoustique? La langue? Le genre? La diversité culturelle? Les régions? La représentation?

No comment.

Problématiques

* Est-ce qu'il y a des modèles d'organismes de services pour l'éa en dehors du Canada? Est-ce que ces organisations sont similaires - ou pas - face à cette pratique autant sur le plan structurel que sur celui du mandat?

CIME, NICE, SAN, FeBeMe, etc. Nationales ou internationales. Je n'en sais pas plus.

* Indiquez des initiatives prises par la CEC ou ses membres au cour des dernières années qui ont pu avoir un impact sur le subventionnement. * Quelles sont les problématiques actuelles de la communauté qui sont présentement prises en compte par la CEC? * Quelles sont les problématiques actuelles de la communauté qui ne sont présentement pas prises en compte par la CEC? * Indiquez les problématiques de services ainsi que les ressources - temps, expertise, maintenance - qui sont demandés. * Indiquez les changements spécifiques à la CEC survenus au cours des dernières années incluant: les changements réels - ressources, subventions, coupures de subvention, nouveau programme de subvention, changement technologique; et changements implicites - nouvelles manières de penser, nouvelles initiatives provenant de la communauté, nouvelles énergies/nouveaux joueurs.

No comment.

Francis Dhomont

Social bottom